La mort d’un jeune français de 17 ans d’origine algérienne a provoqué des émeutes dans des villes françaises. Pourquoi ? Limiter les violences qui traversent la France à la seule question migratoire et au ressentiment de générations de migrants –même si elles sont essentielles- ne suffit pas à comprendre le mal français. Qui pourrait être bien plus profond et ne peut qu’avoir un rapport avec des facteurs tant endogènes qu’exogènes. Dont des défaillances au niveau de ce qu’on appelle en France « la politique de la ville » qui vise à « réduire les écarts de développement au sein des villes pour restaurer l’égalité républicaine ».
La France est, depuis le 27 juin 2023, date de la mort d’un jeune d’origine algérienne, Nahel, à Nanterre, par un agent de police, sous pression. Les banlieues de la France et de Navarre notamment –réputées pour accueillir une grande partie de la population migrante- connaissent une explosion de violences qui n’est pas sans rappeler celles de l’année 2005. Lorsque deux jeunes, également d’origine étrangère, sont tués dans une séquence où les policiers ont été, comme pour le cas de Nahel, partie prenantes.
Et là aussi, l’exécutif français a du mal à calmer la grogne des jeunes qui se sont adonnés à des actes de violence brulants bâtiments, commerces et véhicules (notre photo). Et ni la force mobilisée (40 00 policiers), ni les propos apaisants du chef de l’Etat, Emmanuel Macron, et de son ministre de l’intérieur, Gérard Darmanin, ni encore l’inculpation du policier qui a tué Nahel, n’ont réussi à tempérer un tant soit peu la hargne de certains jeunes.
Cet exécutif dit, haut et fort, que les violences occasionnées par la mort de Nahel sont « injustifiables », ce qui est bien vrai, mais oublie –ainsi que des pans entiers de la classe politique et de l’opinion française- que l’essentiel est aussi ailleurs : il faut analyser et sous toutes les coutures la mort du jeune Nahel et agir afin de repenser les maux qui rongent la société française en rapport avec la mort de ce dernier.
Caresser dans le sens du poil
Là aussi, et n’en déplaise à certains comme au ministre actuel de l’intérieur, que la solution sécuritaire est nécessaire, mais non suffisante. Il faut s’intéresser sérieusement à la migration en France et à qu’on pourrait appeler certains de ses « corollaires », le racisme et l’islamophobie.
De crainte, sans doute, de ne pas plaire à une partie de la population qui se radicalise du fait qu’elle est habitée par la peur de perdre des privilèges ou en raison d’une méconnaissance des réalités de la France et du monde, nombre de politiques ne font que caresser des opinions extrémistes dans le sens du poil. Ne pensant qu’à la durée de leur mandat électif.
A la manière d’un « explosif »
Certains propos comme ceux de l’actuel ministre de l’Intérieur ne peuvent qu’approfondir le ressentiment de jeunes d’origine étrangère – pourtant souvent Français – qu’ils reçoivent comme une insulte. Ainsi Gérard Darmanin a eu à déclarer que le « risque premier est le terrorisme islamiste sunnite ».
Dans un texte largement connu, l’historien français, Marc Ferro, dit que le « ressentiment est comme une blessure jamais cicatrisée, transmise de génération en génération et qui, par effet d’accumulation, en vient à donner sens à l’histoire de toute une classe sociale, de tout un peuple. Ajoutant qu’il agit à la manière d’un « explosif » et provoque « les révoltes, les révolutions, les guerres » (voir Le ressentiment dans l’histoire : Comprendre notre temps, 2007).
« Ressortir le Karcher de la cave »
Un discours qui rappelle un autre : l’ancien président Nicholas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, avait déclaré, en 2005, vouloir « nettoyer au Karcher » un quartier –La cité des 4000 à La Courneuve- habité par les migrants. Une formule reprise, en 2022, par une candidate à la présidentielle française, Valérie Pécresse. Quand, elle a parlé de « ressortir le Karcher de la cave » pour « nettoyer les quartiers ».
Des propos qui peuvent tomber dans les oreilles de beaucoup d’âmes mal nées. L’Organisation des Nations unies (ONU) a demandé, le 30 juin 2023, à la France de « se pencher sérieusement sur les problèmes de racisme et de discrimination raciale au sein des forces de l’ordre ».
« Profonds problèmes de racisme »
« C’est le moment pour le pays de s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre », a déclaré Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme lors du point de presse régulier de l’ONU à Genève.
Il va sans dire que limiter les violences qui traversent la France à la seule question migratoire et au ressentiment de générations de migrants ne suffit pas à comprendre le mal français. Qui pourrait être bien plus profond et ne peut qu’avoir un rapport avec des facteurs tant endogènes qu’exogènes. Dont des défaillances au niveau de ce qu’on appelle en France « la politique de la ville » qui vise à « réduire les écarts de développement au sein des villes pour restaurer l’égalité républicaine ».