L’affaire de Nahel, un adolescent de 17 ans tué mardi 27 juin d’une balle tirée à bout portant par un policier au cours d’un contrôle routier à Nanterre en région parisienne, a profondément divisé la classe politique et la société française. Pour preuve, la cagnotte organisée au profit de la famille du meurtrier de Nahel a atteint des sommets. Alors que l’autre collecte lancée en solidarité avec la famille de la victime n’a récolté que des miettes. Signe de la droitisation croissante de la société française?
Nahel, le lycéen de 17 ans qui fut abattu à bout portant le 27 juin dernier par un policier lors d’un contrôle routier, après un refus d’obtempérer, doit se retourner dans sa tombe. Et pour cause : la cagnotte organisée par Jean Messiha, un proche de l’infréquentable leader de l’extrême-droite Eric Zemmour, en soutien à la famille du policier mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire depuis les faits, a récolté la somme vertigineuse de 1 636 240 euros.
Une cagnotte de la honte que certains considèrent à juste titre comme un acte de légitimation autant qu’une récompense pour avoir tué un jeune Beur issu des banlieues.
Il n’y a pas photo
A titre comparatif, depuis son lancement le 30 juin, cette initiative de l’ancien porte-parole de campagne d’Éric Zemmour a rapidement dépassé l’autre cagnotte lancée sur la plateforme Leetchi pour soutenir la famille de l’adolescent tué à Nanterre. Laquelle récolte n’aura pas dépassé les 370 000 euros.
D’ailleurs, Jean Messiha à l’origine de la cagnotte s’est réjoui publiquement du « succès » de son initiative. « Ce soir, les gaucho-collabos font une syncope. Tenez-vous bien, la cagnotte que j’ai lancée pour la famille du policier Florian M. DÉPASSE CELLE CRÉÉE EN FAVEUR DE LA MÈRE DE NAHEL ». Ainsi, s’exclamait cet ancien délégué du Front national. Lequel s’est par le passé publiquement inquiété que les musulmans de France ne soient pas tous fichés S.
Pour sa part, le syndicaliste policier Bruno Attal, qui est mis en cause pour avoir félicité les « collègues qui ont ouvert le feu sur un jeune criminel de 17 ans » et qui a écrit que « les seuls responsables de la mort de ce voyou sont ses parents, incapables d’éduquer leur fils », estime que « la France aime sa police ».
Un parallélisme effrayant
Une affaire glauque et répugnante donc qui rappelle celle de Rittenhouse aux Etats-Unis, du nom d’un jeune terroriste d’extrême-droite ayant tué par balles deux personnes au cours du mouvement Black lives matter en 2020.
Comble de l’horreur : le meurtrier avait bénéficié à l’époque de la collecte de plusieurs millions de dollars qui lui ont permis de payer sa caution. Avant de sortir libre comme le vent, acquitté par une justice sensible aux sirènes de l’extrême-droite américaine. Le parallélisme entre les deux affaires est effrayant!
« Une cagnotte indécente et scandaleuse »
Heureusement, le tableau n’est pas aussi sombre qu’il y paraît en France. Suite à l’onde de choc provoquée par la mort brutale de ce jeune issu des quartiers, plusieurs voix dans la classe politique française se sont fort heureusement élevées contre cette cagnotte « indécente et scandaleuse », qualifiée par le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, de « cagnotte de la honte ».
« Une cagnotte qui résonne comme des félicitations, un remerciement, une prime, pour avoir commis l’irréparable en ayant tué un jeune homme parce que d’origine maghrébine et issu d’un quartier ». C’est ce qu’on peut lire dans une pétition lancée mardi 4 juillet par un collectif d’associations et de citoyens, ayant déjà recueilli plus de 10 000 signatures.
« Cette cagnotte me scandalise. Je trouve cela extrêmement grave le signal qui est envoyé après qu’un policier a tiré à bout portant sur un adolescent ». Ainsi s’est indignée, lundi 3 juillet sur RTL, l’intellectuelle engagée Rokhaya Diallo. « Plus de personnes ont décidé de soutenir un meurtrier présumé plutôt qu’une mère qui vient de perdre son enfant ». Que dire de plus?
Enfin, interrogée lundi dernier sur cette sombre affaire, la cheffe du gouvernement, Elisabeth Borne, a botté en touche. Et ce en concédant que le fait que la cagnotte organisée par une personne proche de l’extrême droite « ne contribue pas à l’apaisement ». Mais que « ce n’est pas le gouvernement qui peut décider ou non de son existence ». Une position tout aussi ambiguë suivie par le premier flic de France, Gérald Darmanin, qui déclare qu’il « appartient à la justice de fermer ladite cagnotte ».
Des déclarations « complaisantes » de la part du gouvernement français? Disons pour être clément qu’il s’agit d’une attitude à minima.