Les mutations géopolitiques, géoéconomiques et technologiques actuelles présentent une occasion majeure pour que la Tunisie se positionne comme un carrefour de transit énergétique dans le cadre de corridor de connectivité énergétique intercontinentale Afrique-Europe. Elles présentent aussi l’occasion de revisiter quantitativement et qualitativement, les infrastructures en place et les projets en cours ou envisagés de connectivité énergétique intercontinentale Afrique-Europe.
Aujourd’hui, l’hydrogène est un vecteur d’énergie, en raison des bouleversements climatiques qui ont malheureusement un impact sur le cycle de l’eau. Parmi les conséquences des changements climatiques, on observe une hausse de températures.
C’est le thème d’une journée d’étude qu’organise le Conseil tunisien des relations internationales en collaboration avec la Fondation Konrad Adenauer (KAS) mercredi 5 juillet 2023. Les travaux ont porté sur des communications qu’ont présentées des experts de diverses spécialités, notamment Khemaies Jhinaoui, Kamel Bennaceur, Afif Chelbi, Khaled Kaddour, Mustapha Haddad, Salah Hannachi, Imed Derouiche et Ali Kenzari.
« Cette session, indique M. Jhinaoui, président du Conseil, s’inscrit dans une suite de séminaires tenus depuis le début de l’année, portant sur le positionnement géostratégique de la Tunisie, puis sur la sécurité alimentaire.
Cette troisième session, dédiée à l’énergie, traite d’une question hautement stratégique pouvant faire de la Tunisie un grand hub énergétique au cœur de la Méditerranée, à même de subvenir à une bonne partie des besoins européens, véritable question d’enjeux vitaux. »
Il estime important les enjeux pour que la Tunisie se positionne dans le corridor énergétique. Et ce, en passant du corridor central au corridor de connectivité structurelle, multimodale et multisectorielle dans l’espace géopolitique émergeant Eurafrique.
Les enjeux de l’énergie
Il est donc essentiel de faire le point sur les enjeux de l’énergie. En commençant par répondre à la question essentielle : la Tunisie peut-elle saisir cette opportunité?
La Tunisie peut ainsi aspirer à une position privilégiée de transit et de carrefour dans le corridor central de connectivité et de dialogue économique et énergétique Afrique-Méditerranée-Europe. En effet, il est important de rappeler que la Tunisie est un pont entre l’Afrique et l’Europe.
Ainsi, la Tunisie, à cheval sur les deux bassins de la Méditerranée, est connectée à l’Europe par le gazoduc Transmed. En outre, cette connectivité sera renforcée par le câble électrique Elmed (entériné et adopté par la Commission européenne en 2022). Et ce, dans une perspective bilatérale, à vocation au mieux régionale. Ces deux liaisons faciliteront l’embrayage de la Tunisie sur le corridor énergétique italien présenté par l’Italie comme futur corridor énergétique de l’Europe et de la Méditerranée.
Aujourd’hui, les recherches s’orientent vers la mise en place des énergies renouvelables dans le mix énergétique national et dans la stratégie nationale d’investissement dans le secteur des énergies renouvelables.
Il faut rappeler que l’histoire a prouvé que l’énergie est tout autant un facteur de guerre qu’un déterminant de la guerre. L’énergie devint en effet un déterminant de la guerre lorsque la mécanisation des forces armées fait que le poids de l’accès au pétrole devint une constante des opérations militaires.
Les exemples ne manquent pas. En 1941 le Japon déclencha à Pearl Harbour sa guerre préventive contre les États-Unis pour échapper à l’asphyxie économique produite par l’embargo pétrolier américain. La guerre Iran-Irak de 1980 à 1988 opposant deux pays qui produisaient à eux seuls le tiers du pétrole du Golfe et qui fit 1,2 million de morts trouve en partie son origine dans un conflit frontalier de délimitation pour la possession du pétrole du Chatt-el-Arab au débouché du Golfe persique.
A l’heure actuelle, les mutations géopolitiques évoluent. Pour que la Tunisie se positionne à l’échelle géopolitique, M. Jhinaoui souligne que la Tunisie doit être consciente des changements aussi bien en Méditerranée qu’en Europe. Il précise à cet effet que les pays qui réussissent sont les pays qui arrivent à s’adapter facilement pour mieux défendre leurs intérêts.
En somme, il faut sensibiliser autant de monde que possible (dirigeants politiques et acteurs de la société civile) face à des difficultés économiques, pour les transformer en opportunités. Et ce, pour tirer profit de la situation au lieu de la subir.
Toutefois, Imed Derouiche, Ingénieur diplômé de la faculté de Tsukuba au Japon en géophysique appliquée, de l’université de Texas en pétrole et gaz, et de London Business School en Management, fait savoir que la production d’hydrogène devrait atteindre 400 millions de tonnes en 2050.
Il estime que le principal partenaire pour la Tunisie est l’Europe. De ce fait, l’Europe a besoin d’ici 2030 de 10 millions de tonnes d’hydrogène. Or si la Tunisie arrive à produire un million de tonnes de production d’hydrogène, elle peut aspirer à devenir à son tour un carrefour énergétique dans ce corridor.
De son côté, Khaled Kaddour, consultant en énergie et prospective stratégique met l’accent sur l’importance de revenir à la production de pétrole qui a connu une certaine baisse.
Selon les chiffres de l’ETAP, la production cumulée de pétrole brut des concessions de l’ETAP a atteint 2 491 034 BBLS. Soit 314 823 TM (395 851 Sm3) enregistrant un écart négatif de 14 % par rapport aux prévisions initiales 2023 rapportées à la même date. Les quantités de gaz commercialisées ont atteint 476,492 MM NM3 soit 477 951 TEP. Enregistrant ainsi un écart négatif de 10 % par rapport aux prévisions initiales 2023 rapportées à la même date.
L’énergie semble être rationnée en raison du renchérissement du prix de l’énergie et de la rareté de la ressource. La demande énergétique et électrique en Afrique du Nord est appelée à s’accroître. Et par conséquent, elle sera un enjeu de bien-être et de gouvernance économique pour la prochaine décennie.
En conclusion, la connectivité énergétique doit être à ce titre débattue dans la dimension d’une connectivité Afrique-Europe plus holistique. C’est à dire d’une connectivité de développement énergétique, sécuritaire, économique, social, écologique et culturel.