Après la polémique suscitée par l’affaire des migrants subsahariens, le revoir aujourd’hui en Tunisie, ça donne une lueur d’espoir. On parle-là de Férid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. L’Economiste Maghrébin a rencontré Férid Belhaj en marge du lancement d’un nouveau cadre de partenariat-pays 2023-2027 entre la Banque mondiale et la Tunisie.
Un entretien exclusif durant lequel il nous confiera sa vision des relations entre la BM et la Tunisie, mais surtout, en Tunisien qu’il est, sa vision de ce que devra être la Tunisie de demain.
L’Economiste Maghrébin : Dans quel contexte s’inscrit cette manifestation aujourd’hui ?
Férid Belhaj: La manifestation d’aujourd’hui n’est pas une première. Nous venons, de manière périodique, élaborer une stratégie de coopération. La dernière, cela fait plus de cinq ans et demi qu’elle a été mise en place. Elle a pris fin il y a maintenant plus d’un an et il était important d’en relancer une nouvelle. Cela dit, le timing est important. Le pays passe par une période délicate et nous avons souhaité lancer un signal d’engagement, notamment de la part de la Banque mondiale, qui est l’un des plus importants partenaires de la Tunisie. L’engagement que nous sommes aux cotés de la Tunisie.
Aujourd’hui, nous avons donc mis en place les piliers de cette nouvelle stratégie de coopération. Le premier, qui est à mon avis le plus important, est celui de reconsidérer le rôle de l’Etat dans l’économie et son ouverture vers le secteur privé, vers l’entreprise, et donc d’apporter plus de confiance.
La croissance ne viendra que de là. Le second pilier, qui est concomitant au premier, porte sur la formation, l’éducation. Il y aura plus de 300 millions de jeunes demandeurs d’emploi au Moyen-Orient d’ici 2025. C’est à la fois effrayant, mais il y a aussi la promesse que s’ils sont bien formés, ouverts sur le monde, ils seront prêts à travailler. C’est une énorme énergie, ce sont des compétences pour l’employeur.
C’est vrai, sauf que les compétences sont en train de quitter leurs pays.
Nous sommes tout à fait d’accord et c’est pour cela qu’il faut être absolument affirmatif quant à l’ouverture de nos économies vers le secteur privé. Le secteur privé, ce ne sont pas seulement les entreprises qui existent, ce sont aussi ces jeunes qui auront demain l’opportunité de créer leurs propres entreprises, de créer la richesse. Ils auront la possibilité de faire que la croissance soit endogène, que cette croissance émerge de chez nous.
Nous avons la chance en Tunisie, comme dans toute la région du Moyen-Orient, d’être très proches du plus grand marché au monde, l’Europe. En ce sens, nous avons énormément de possibilité d’aller de l’avant. Et pour cela, il ne faut plus seulement continuer à faire avec de l’ancien, avec de l’industrie classique. C’est pour cette raison que j’affirme qu’il est important de disposer de jeunes innovateurs, de jeunes créateurs qui puissent ouvrir la voie, à travers de nouvelles entreprises, vers de nouveaux marchés.
Comme vous le dites, il y a aujourd’hui une recomposition des chaînes de valeur. On parle de nearshoring et de friendshoring. Comment peut-on en profiter aussi ?
On doit profiter de tout. On s’est aperçu, avec la pandémie de Covid, que la distance était devenue un facteur extrêmement important dans les chaînes de valeur. Cela confirme aussi ce que je viens de dire, nous sommes à coté du plus grand marché du monde. Nous avons les capacités d’exporter vers ce marché, non seulement des produits manufacturés, mais aussi des idées et des services. Il faut le faire, mais il faut le faire très vite. En ce qui concerne la Tunisie, c’est bien d’avoir fait « ELMED », mais il faut que le projet bouge très vite. Des « ELMED », il va y en avoir des dizaines dans la région. Nous sommes les premiers, les pionniers. On doit garder cette avance.
Sauf qu’avec « ELMED », l’idée de départ était qu’on allait exporter de l’électricité. On a l’impression, aujourd’hui, que cela va être le contraire.
Non, c’est un va-et-vient. Cela va dépendre des besoins de l’une des deux parties. Il y aura une péréquation par rapport aux tarifs. Je ne vois pas de difficulté par rapport à « ELMED ». Celle que je vois aujourd’hui, c’est la capacité pour la Tunisie d’avoir un environnement d’investissement qui permette aux investisseurs privés de venir et de mettre de l’argent dans la nouvelle génération de l’électricité propre.
C’est là le grand défi. Il faudra que la STEG revoie sa manière de travailler. Tout autant que le gouvernement. C’est ce que vous voulez dire en appelant à repenser le rôle de l’Etat ?
Absolument. Le rôle de l’Etat dans l’économie n’est plus celui du début du 20ème siècle. Il faut absolument nous réinventer à ce niveau-là.
L’intégralité de l’interview est disponible sur les colonnes de l’Economiste Maghrébin N°873 du 5 au 19 juillet 2023.