L’inflation persiste et inquiète. Malgré le trend baissier, la faisant passer de 10,4% en février 2023 à 9,6% en mai de la même année, les foyers des risques inflationnistes demeurent. Le poids de l’inflation alimentaire reste pesant sur le ménage tunisien, avec un taux de 15,9%. Il est porteur de risque pour la paix sociale pour plusieurs raisons.
Une inflation source de vulnérabilité sociale
Du fait que la hausse des prix réduit la capacité des Tunisiens à répondre à leurs besoins primordiaux à travers la forte dégradation de leur pouvoir d’achat. La croissance des salaires ne suit pas le rythme de la croissance des prix, ce qui alimente le déclassement social et génère la montée de la pauvreté et de la vulnérabilité sociale.
Une inflation étouffante pour les ménages
Endettés, qui vont subir, directement, l’alourdissement de la charge de remboursement de leurs prêts, en raison de la perte de leur pouvoir d’achat. Et indirectement, via le resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale. Une situation qui pourrait déboucher sur des situations de surendettement et d’exclusion sociale.
Une inflation dévoreuse de dépôts bancaires
Car l’inflation grignote aussi les économies des ménages. Lorsqu’elle augmente à un rythme plus rapide que celui du taux de rémunération de l’épargne (7% en 2023), les épargnants tunisiens vont avoir plus de difficultés à constituer une épargne financière. Pour ceux qui ont épargné, la valeur réelle de leurs épargnes sera d’autant plus faible que l’inflation sera élevée. Cette situation favorise la ruée vers les actifs réels (foncier, or…) et la détention des devises étrangères afin d’éviter le risque d’érosion monétaire, dans une économie où le taux d’épargne national peine, depuis 2020, à franchir la barre de 10% du PIB, alors que la moyenne mondiale avoisine les 27%.
L’inflation demeure menaçante pour la paix sociale, surtout lorsqu’elle débarque dans une économie minée par des pénuries successives et lourdement affectée par la montée du stress hydrique. Un volcan en ébullition, tant que le décideur tarde à prioriser la sécurité énergétique et alimentaire dans ses politiques publiques.
Par Professeure Noura Harboub-Labidi
Article paru dans L’Economiste Maghrébin N°873 du 5 au 19 juillet 2023