C’est une première dans le monde de la finance mondiale. En effet, l’Argentine a partiellement remboursé une dette auprès du Fonds monétaire international (FMI) en yuans et en droits de tirage spéciaux (DTS) plutôt qu’en dollars américains. Une pratique qui pourrait donner des idées à plein d’autres pays.
Le pays de Maradona et Messi est confronté à un manque de réserves de change, une inflation galopante et à une grave sécheresse qui affectent sa capacité d’exportation.
Liens plus que jamais étroit entre Pékin et Buenos Aires
Le 30 juin 2023, l’Argentine a versé au FMI l’équivalent de 2,7 milliards de dollars pour le remboursement de sa dette. L’opération a été réalisée à l’aide de deux moyens : du renminbi, la monnaie chinoise, pour payer l’équivalent de 1 milliard de dollars; et des DTS, l’actif de réserve international du FMI dont la valeur est basée sur les cinq plus grandes monnaies du monde, pour s’acquitter des 1,7 milliard de dollars restants.
C’est la première fois que le pays paie l’institution financière internationale avec des yuans destinés initialement à financer des importations en provenance de Chine. Déjà en avril 2023, l’Argentine a décidé de ne plus faire de commerce avec la Chine en dollars pour les remplacer par des yuans. Une occasion pour l’Argentine de conserver des dollars et pour la Chine d’installer sa monnaie comme moyen de paiement sur le marché international.
Ainsi, les deux pays se sont mis d’accord sur l’extension d’un swap, un accord d’échange de devises. Lequel a porté la participation chinoise à près de 50 % des réserves internationales de l’Argentine. Avec l’équivalent de 5 milliards de dollars librement disponibles pour le pays latino-américain en renminbi. La Chine est le deuxième partenaire commercial de l’Argentine et la deuxième destination des exportations argentines, estimées à 17,5 milliards de dollars.
D’une pierre, deux coups
Grâce à ce montage, l’accord avec le FMI a été respecté et les avoirs en devises épargnés. Le même jour, la Banque centrale d’Argentine a également annoncé que les entités financières acceptent désormais les yuans comme monnaie pour les dépôts sur les comptes bancaires d’épargne et de chèques. Cela signifie également que les banques argentines peuvent ouvrir des comptes libellés dans la monnaie chinoise.
Les Argentins peuvent également acheter cette monnaie et la changer contre des pesos, avec une limite équivalente à 200 dollars américains par mois. Et ce, dans un contexte de méfiance à l’égard de leur monnaie et d’inflation incontrôlée, à un taux annuel de 114 %.
L’histoire de l’Argentine avec le FMI est longue. Les deux partenaires, à relation compliquée, travailleront actuellement sur la cinquième revue trimestrielle de l’accord de 30 mois conclu en mars 2023, au titre du mécanisme élargi de crédit. C’était la plus grande opération de restructuration de dette, d’un montant de 44 milliards de dollars contractés en 2018.
L’impact de la sécheresse
Les autorités espèrent également négocier une distribution anticipée des 10 milliards de dollars que le FMI est censé fournir cette année. L’Argentine souffre de la pire sécheresse qu’elle ait connue depuis des décennies, ce qui l’a gravement affectée sur tous les plans.
L’agriculture est le premier secteur d’exportation et, à ce titre, la première source de réserves de change. Or, les récoltes de soja et de maïs ont diminué, alors qu’elles représentent habituellement près de 40 % de toutes les exportations argentines. Des milliers de vaches sont mortes de soif, ce qui a accéléré l’inflation de la viande et des produits laitiers. Les pertes économiques dues au manque de pluie sont estimées à environ 20 milliards de dollars, dont 15 milliards de dollars pour les exportations. Le PIB devrait alors stagner cette année.
L’Argentine est l’un des cas les plus surveillés par les marchés internationaux. Son comportement a un impact direct sur le sort des négociations avec d’autres pays en difficultés, comme l’Egypte et la Tunisie. Cela pourrait également ouvrir la voie à l’innovation dans le remboursement des dettes internationales, pas nécessairement en sa monnaie d’origine. Après le sommet de Paris qui a tenté de donner le coup d’envoi à une réflexion globale sur l’efficacité des institutions de Bretton Woods, une dose supplémentaire de flexibilité est attendue. Entre temps, la meilleure des solutions reste de ne pas passer par la case FMI, à conditions d’avoir réellement les moyens pour l’éviter.