L’audit énergétique est un précieux outil d’efficacité énergétique, qui reste pourtant peu connu et donc peu adopté par la plupart des entreprises tunisiennes, selon Mohamed Ali Reghini, expert en efficacité énergétique agréé par l’ANME.
Il est revenu sur les enjeux de l’audit énergétique, « une spécialité qui exige des qualifications techniques et organisationnelles poussées, une bonne maitrise des démarches procédurales, administratives et règlementaires, ainsi qu’une bonne maitrise de l’expertise dans l’usage énergétique, la maîtrise des procédés de mesurage, de vérification et de manipulation des appareils de mesures », selon ses dires.
L’expert plaide en faveur d’une actualisation de la liste des auditeurs énergétiques et des modes d’agrément et la formation de nouveaux experts pour assurer la relève.
Un surcroît d’efforts est exigé
En Tunisie, l’audit énergétique remonte à plus d’une trentaine d’années et représente la pierre angulaire de la politique de maîtrise de l’énergie du pays, pilotée par l’Agence nationale pour la maîtrise de l’Energie (ANME).
Toutefois, les résultats des programmes initiés dans ce cadre sont en deçà des espoirs escomptés faute d’information et de sensibilisation, selon Reghini, qui fait partie d’une quarantaine d’experts auditeurs agréés par l’ANME, dont peu sont actifs sur le terrain.
De nos jours, « une bonne partie des entreprises tunisiennes ignorent l’existence des programmes d’audit énergétique. Donc un surcroît d’efforts de communication et de sensibilisation est aujourd’hui nécessaire. Il faut aussi informer les nouveaux cadres chargés de l’énergie au sein des entreprises des nouveautés dans ce domaine, car des changements interviennent tout le temps et ces cadres ignorent parfois tout sur les programmes d’appui et les subventions », estime Reghini.
A cet égard, il y a lieu de noter que l’audit énergétique est obligatoire et périodique (tous les 5 ans) pour les établissements industriels dont la consommation annuelle totale d’énergie est égale ou supérieure à 800 tonnes équivalent pétrole (tep) en vertu du Décret n° 2004-2144 du 2 septembre 2004, qui fixe les conditions d’assujettissement des établissements consommateurs d’énergie à l’audit dans d’autres secteurs (tertiaire, transport). Le seuil d’assujettissement dans le secteur du tertiaire est 500 tep, alors que pour le secteur du transport, il est fixé à 200 tep.
« Cette règlementation nécessite une révision aujourd’hui, compte tenu de l’évolution de la conjoncture du secteur de l’énergie à l’échelle nationale et internationale », a-t-il dit.
Techniquement, l’audit consiste à réaliser un diagnostic de la consommation d’énergie dans l’entreprise, à évaluer le niveau de performance énergétique de l’entreprise, analyser les causes des dérives de consommation d’énergie, identifier les potentiels d’économie de l’énergie et proposer un plan d’action pour la réduction de la consommation d’énergie au sein du l’entreprise.
Ce processus permet de dégager des actions d’efficacité d’énergétiques portant sur l’amélioration des performances des équipements et des processus organisationnelles et une meilleure exploitation de l’entreprise. Cependant, ce processus n’est nullement contraignant pour les entreprises.
Une révision de la loi s’impose!
D’après l’expert, le caractère non contraignant de ce processus explique le peu d’efficacité de ce programme, d’autant qu’il n’a pas été généralisé. Il n’a pas abouti à des résultats concrets et mesurables à plus grande échelle.
« Il faut réviser la loi pour qu’elle stipule aussi bien l’audit que l’assistance et l’accompagnement à la mise en œuvre des projets EE et surtout , l’obligation de garantir des résultats.
Interrogé sur les secteurs les plus énergivores, Reghini a évoqué, entre autres, l’hôtellerie, les bâtiments de santé (polycliniques, hôpitaux,) les administrations, les espaces commerciaux pour le secteur tertiaire, ainsi que les Cimenteries, Briqueteries, l’industrie agroalimentaire pour le secteur industriel.
Ces établissements et toutes les entreprises énergivores gagneraient à agir et à évaluer leur performance énergétique globale ainsi que la performance relative à chaque usage (chauffage et conditionnement d’air, chauffe bain et d’eau, le système de refroidissement, la ventilation, l’éclairage, l’appareillage électrique).
Une fois cette évaluation faite, les audits énergétiques pourraient détecter les sources de gaspillage et des pertes et intervenir ou prescrire les instruments nécessaires aux réductions et optimisation de la consommation d’énergie.
« C’est l’effort que tout le monde doit faire pour une meilleure gestion de l’énergie qui, une fois associée au déploiement des énergies renouvelables, aiderait la Tunisie à réaliser sa transition énergétique et à réduire sa dépendance de l’extérieur », conclut l’expert.
Avec TAP