Il existe une demande en politique populiste qui mobilise des attitudes du même genre. Principal enseignement d’une conférence donnée sur les dynamiques de formation de l’opinion publique populiste en Tunisie.
Un des plus importants sans doute enseignements des sciences économiques est celui de l’existence du marché et de sa loi de l’offre et de la demande. Mais cela est-il transposable au monde des sciences politiques ? Réponse : tout à fait.
Ainsi, le populisme, qui fleurit aujourd’hui dans de nombreux pays dont le nôtre, est une histoire d’offre (il y a des politiques qui ont tendance à opposer le peuple aux élites politiques, économiques ou médiatiques), mais il y a aussi une affaire de demande. C’est du moins l’idée qu’est venu défendre, le 14 juillet 2023, l’universitaire –il est professeur à l’Institut de presse et des sciences de l’information- Sadok Hammami (à droite sur notre photo).
Un théâtre dans lequel le public est le juge final
L’occasion ? Une conférence donnée au CESMA (Centre des études stratégiques sur le Maghreb), dans le cadre de l’Observatoire du populisme, sur le thème de la fabrique de l’opinion publique populiste, au cours de laquelle il a détaillé ce que les chercheurs Cas Mudde et Cristóbal Rovira Kaltwasser appellent, dans leur célèbre ouvrage « Brève introduction au populisme, la demande en politique populiste ». Evoquant ainsi les dynamiques de formation de l’opinion publique populiste.
Pour Sadok Hammami, et en se basant sur les résultats de la recherche empirique sur le populisme, il existe une demande en politique populiste qui mobilise des attitudes du même genre. Le populiste va en fait déployer sa stratégie en s’appuyant sur ces attitudes et mobiles pour réussir.
Aussi, les populistes placent les publics au centre de leur stratégie de communication politique.
Sadok Hammami explique comment le populisme peut être conceptualisé en tant de phénomène communication. En écartant les corps intermédiaires, les populistes s’appuient sur une communication « intense », « permanente » et « désintermédiée » avec les publics auxquels ils s’adressent ; instaurant ainsi « une démocratie d’audience », selon la spécialiste italienne du populisme Nadia Urbinati ; un modèle politique assimilé à un théâtre dans lequel le public est le juge final.
Réduire la politique aux luttes autour du pouvoir
Les populismes tunisiens semblent faire écho à ces problématiques. La défiance vis-à-vis des élites politiques et des corps intermédiaires est favorisée par les réseaux sociaux et la désinformation systémique, soutient Sadok Hammami. Mais aussi par une représentation médiatique qui a réduit la politique aux luttes autour du pouvoir, dévalorisant ainsi le personnel politique et renforçant l’idée selon laquelle les partis politiques sont foncièrement corrompus.
Une opinion publique populiste s’est ainsi progressivement formée. Elle s’est exprimée par différents candidats populistes au cours des élections présidentielle et législatives de 2019.
Elle peut être mesurée quantitativement et identifiée à partir de certains critères tels que la mentalité complotiste, l’indifférence à l’égard des valeurs des droits de l’Homme, les émotions telles que la colère et le ressentiment, l’incapacité à distinguer les faits des fakenews…