Un rapport de S&P Global Commodity Insights a attiré l’attention sur l’explosion des exportations de produits pétroliers raffinés russes vers l’Afrique depuis l’invasion de l’Ukraine. Elles ont, tout simplement, été multipliées par 14 en un peu plus d’un an. L’offensive diplomatique menée par Moscou sur le continent a bien donné des résultats.
En mars 2023, ces exportations avaient atteint 420 000 barils par jour. En particulier, les expéditions vers des pays comme le Nigeria, la Tunisie et la Libye ont fortement augmenté en février 2023. Cela coïncide avec la décision de l’Union européenne (UE) d’imposer un embargo sur les produits russes. Il s’ajoute à cela l’accord entre les pays du G7, l’UE et l’Australie qui ont fixé un plafond de 100 dollars par baril pour les produits russes, généralement plus chers que le pétrole brut, notamment l’essence et le gasoil.
La Russie, nouveau fournisseur en carburant de l’Afrique du Nord
Ces sanctions ont contraint la Russie à réorienter des volumes significatifs de pétrole vers d’autres pays, notamment en Afrique. Idem pour l’Inde, la Chine et la Turquie devenus également des marchés d’exportation de plus en plus importants. Les flux de produits raffinés russes ont atteint leur plus haut niveau en sept ans, à savoir 1,9 million de barils par jour en mars 2023.
Selon les analystes de l’agence de notation, c’était l’un des axes sur lesquels Sergei Lavrov, le Ministre russe des affaires étrangères, a travaillé avec lors de sa visite à sept pays africains l’année dernière. Il a pu réaliser une percée, en ouvrant de nouvelles issus pour les produits pétroliers russes.
En outre, la demande par les pays de l’Afrique du Nord attire l’attention. Elle est montée en flèche ces derniers mois. La Tunisie est citée à titre d’exemple. Au premier trimestre 2022, elle n’a importé que 2 700 barils par jours de produits russes. Au cours de la même période en 2023, ce chiffre est passé à 66 300 barils par jour selon les données de S&P.
Le Maroc, la Libye et l’Égypte ont également enregistré des hausses considérables des importations russes. Les États nord africains jouent un rôle important pour la Russie, en atténuant les conséquences de l’interdiction du pétrole et des produits pétroliers.
Accusations de trafic
En même temps, certains pays africains comme le Maroc, ont vu leurs propres exportations de produits raffinés augmenter. Ce qui a alimenté les accusations de réexportation de produits russes vers l’Europe. Avant la guerre, le Royaume n’exportait pas d’essence, de gasoil ou de naphta. Mais en 2023, il en a fourni d’assez grandes quantités à l’Europe. En juin, ses expéditions vers l’Espagne ont totalisé 61 400 barils par jour. Selon l’agence de rating, les chiffres réels pourraient être encore plus élevés en raison de l’augmentation des transferts clandestins de navire à navire.
Ainsi, une enquête menée par S&P Global Market Intelligence a révélé une augmentation de 225 % à l’échelle mondiale d’une pratique occulte. Celle-ci consiste à désactiver les systèmes d’identification automatique des navires qui permettent de suivre les cargaisons de pétrole, depuis la période précédant les sanctions imposées à la Russie.
De notre côté, nous avons vérifié si c’est également vrai pour la Tunisie. Les chiffres de l’INS jusqu’à fin juin 2023 montrent que nos exportations de produits pétroliers ont baissé de 31,6 % par rapport au premier semestre 2022 à 1 595 MTND. Même en quantité, le recul était de 24 % en glissement annuel. En revanche, il est clair que nous sommes en train de profiter de la disponibilité et des conditions offertes par les Russes. Un bon choix si nous tenons compte de la taille de notre réserve en devises.