Les esprits se sont calmés après la signature du Mémorandum d’entente sur un partenariat stratégique et global entre la Tunisie et l’Union européenne (UE). Le grand point d’interrogation étaient les 900 millions d’euros promis lors de la première visite du trio de dirigeants européens. Se sont-ils évaporés?
En fait, la bonne lecture du texte et la connaissance des projections et de l’historique de la coopération avec l’UE permet de comprendre que rien n’a changé. Le montant sera bien servi à la Tunisie, sur plusieurs années.
Mais tout d’abord, il faut se mettre d’accord sur un point : ce qui a été signé n’est autre qu’une feuille de route qui sera détaillée ultérieurement par d’autres conventions, où il n’y aura que des chiffres et des délais. Le montant des 307 millions d’euros, qui seront un don octroyé au titre du Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe, est une exception.
Tunis fixera le calendrier de ses propres réformes
Parmi les axes de coopération entre les deux parties, le premier est celui de la stabilité macroéconomique. « L’Union européenne s’engage […] à assister la Tunisie dans ses efforts consistant à dynamiser la croissance économique dans l’objectif d’asseoir un modèle de développement durable et non exclusif. Et ce à travers des politiques appropriées, incluant les réformes socio-économiques conçues par la Tunisie. La mise en œuvre de cette approche sera discutée au cours du troisième trimestre de 2023. L’Union européenne accompagnera les réformes, notamment à travers un soutien budgétaire dont le montant, au titre de l’année 2023, sera versé dans sa totalité ».
Une première remarque s’impose. Cette aide de l’UE est liée à des réformes, mais pas obligatoirement celles calquées sur l’accord potentiel avec le FMI. La partie européenne laisse à la Tunisie la possibilité de préparer seule le calendrier des actions à financer. L’avantage ici concerne le rythme. Alors que l’institution financière internationale voulait une application rapide de certaines décisions, en liaison avec la rationalisation de subventions, Tunis a plutôt un plan qui s’étend jusqu’à fin 2026. Cela rejoint la demande de Carthage et de Rome, les deux insistant sur la souveraineté du pays sur ce point.
300 millions d’euros en 2023
La deuxième remarque concerne le montant à avoir cette année. Le mémorandum a précisé que l’appui budgétaire de 2023 sera intégralement payé.
En revenant à la Loi de Finances 2023, nous constatons qu’il y a un soutien budgétaire programmé de 992 millions de dinars, soit l’équivalent de 300 millions d’euros. C’est donc le montant à encaisser cette année.
Et les 600 millions d’euros qui restent? Si nous regardons l’historique de la coopération tuniso-européenne, nous constatons que c’était toujours dans la limite annuelle de 300 millions d’euros. Après la crise sanitaire, nous avons bénéficié d’une aide macro-financière de 600 millions d’euros, que nous avons effectivement obtenu sur deux tranches, en mai 2021 et mais 2022.
Ainsi, et si nous suivons cette logique, nous devons obtenir 300 millions d’euros en 2024 et autant en 2025.
Bien que cette somme ne représente que 7,6 % de l’appui budgétaire attendu pour 2023, elle est une bouffée d’oxygène pour un pays encore sous un embargo financier international déguisé. La balance des paiements affiche un solde de -1 257,3 MTND fin mai 2023. Ce qui montre la fragilité de la trésorerie en devises. Nous avons le rendez-vous d’octobre et le remboursement des 500 millions d’euros d’Euro-bond qu’il faut refinancer. Cette aide couvrira une bonne partie.
Reste à préciser que cela ne remplacera pas un accord avec le FMI. Ce dernier installera la confiance dans l’économie, surtout de la part des partenaires étrangers qui ne vont plus se poser la question sur la soutenabilité des finances publiques. Toutefois, il nous faut encore du temps pour affiner les négociations. Achever cette étape en 2023 signifie une stabilité macroéconomique pour les prochaines années, le temps que les réformes envisagées commencent à donner leurs effets.