Le mémorandum qui a été signé par le gouvernement tunisien et l’Union européenne aura été celui qui a le plus fait couler d’encre dans l’histoire de l’Etat tunisien. C’est aussi celui qui a été le plus dénoncé. Et ce, avant même que son contenu ne soit divulgué. Mais aussi celui qui fut le plus sciemment la cible d’intox et de fakenews en provenance surtout des adversaires politiques du président de la République.
Une communication défectueuse de la part des autorités a ajouté à la confusion qui a suivi les multiples voyages de la présidente du gouvernement italien.
Les rumeurs les plus folles ont circulé, portant sur l’éventualité de faire de la Tunisie un grand centre de détention où tous les clandestins africains d’Europe seraient rassemblés jusqu’à transformer la composition ethnique du pays. Le président de la République lui-même a succombé à la tentation et certaines de ses déclarations ont provoqué l’ire de certaines institutions internationales comme la Banque mondiale et l’Union africaine.
Sauf qu’à la publication du texte du MOU (Memorandum of understanding), la tension suscitée par ces fausses rumeurs a totalement chuté. On y découvre soudain l’annonce d’un accord stratégique entre la plus grande fédération d’Etats européens (UE), riches et puissants, et la petite Tunisie, instable et fragile, menacée par « un effondrement » selon la très désormais populaire en Tunisie, Giorgia Meloni, qui a remplacé Claudia Cardinale dans les cœurs des Tunisiens puisqu’elle se bat comme une lionne « pour sauver la Tunisie », mais surtout son siège de chef du gouvernement.
Mais que dit en termes simples ce fameux Mémorandum?
Sécuriser la Tunisie, c’est sécuriser l’Europe
Admettons d’abord qu’on comprendrait mieux « le grand deal », lorsque les termes des futurs accords, sur la « sécurisation » des frontières sud et ouest de la Tunisie, seront officiellement signés. Mais la diplomatie tunisienne a déjà réussi à imposer sa vision dans le Mémorandum.
Faisant échos aux déclarations, quoique émotionnelles du président tunisien, le texte stipule que seuls des Tunisiens en situation irrégulière en Europe seront rapatriés, et que tous les autres ressortissants africains seront dirigés vers leurs pays d’origine avec l’aide et le soutien financier et logistique de l’Europe.
L’Etat tunisien a d’ailleurs le devoir de recueillir ses enfants dans la dignité et de négocier au mieux leur retour.
L’Etat tunisien a d’ailleurs le devoir de recueillir ses enfants dans la dignité et de négocier au mieux leur retour.
Il n’est donc pas question de faire de la Tunisie une terre d’accueil pour « des réfugiés économiques ». D’ailleurs, les lois internationales et nationales interdisent à tout Etat d’expulser un étranger vers un pays qui n’est pas le sien. Seule une puissance politique et économique, comme l’UE, peut imposer aux Etats africains d’accepter la reconduite de leurs propres ressortissants ou de les empêcher de partir. La Tunisie ne peut absolument rien faire toute seule.
Pour sécuriser nos frontières terrestres et maritimes, nous avons besoin d’un grand soutien, financier, logistique et sécuritaire qui ne peut venir que de l’Europe, car il y va de l’intérêt même des Etats européens.
Les Etats n’ont pas de sentiments, mais des intérêts faut-il le rappeler aux apprentis analystes qui crient à une nouvelle « colonisation ». Les mêmes souvent qui émargent sur des fonds européens via des ONG douteuses.
Les termes et les articles du Mémorandum présagent d’une bonne collaboration entre les deux parties surtout que d’énormes fonds sont déjà mobilisés chez nos voisins du Nord
Il faut y ajouter les aigris et les éternels perdants qui ont toujours fait de la surenchère politique leur arme préférée. Sauf que ces derniers viennent de perdre subitement le parapluie qui les a toujours protégés. Les temps où les ambassadeurs européens se réunissaient pour nous indiquer « la voie à suivre » pour « la démocratie et les droits de l’Homme » semblent être derrière nous. Espérons!
Une alliance économique à travers ce mémorandum
L’Europe sait que la Tunisie dispose (un don de Dieu) de potentiels énormes en termes d’énergies renouvelables, solaires et vertes (hydrogène), et que toute seule elle ne peut pas et n’a pas les moyens financiers de les exploiter. Or plus que jamais, les pays européens qui cherchaient les énergies dont ils avaient besoin, en Russie et au Moyen-Orient, doivent trouver d’autres sources d’énergies, hormis le nucléaire, dont l’énergie solaire et l’énergie verte produite à base d’hydrogène. Ce que la Tunisie peut fournir suffisamment et en grande quantité, surtout qu’elle a les élites techniques et économiques pour le faire.
D’où un partenariat gagnant-gagnant qui peut être concrétisé dans les articles des futurs accords. Les termes et les articles du Mémorandum présagent d’une bonne collaboration entre les deux parties surtout que d’énormes fonds sont déjà mobilisés chez nos voisins du Nord, et que la leçon ukrainienne a été bien comprise. Ne plus dépendre, comme les Allemands, du gaz russe. Ce que les Italiens ont compris dès les premiers jours de la guerre d’Ukraine, en concluant des accords avec l’Algérie, qui a pour l’occasion « trahi » son allié de toujours, la Russie, en augmentant ses livraisons à l’Italie, notamment à travers le gazoduc qui traverse notre territoire.
Les Italiens en quelques mois se sont positionnés comme principal interlocuteur européen avec les pays du Sud de la Méditerranée. Ravissant ainsi la place aux Français qui battent partout en retraite notamment en Afrique subsaharienne et au Maghreb.
La conclusion d’un nouvel accord stratégique entre notre pays et l’Union européenne nous met sur une nouvelle voie de développement économique
La Tunisie qui est en grande difficulté financière a trouvé dans l’Italie de Meloni un allié très précieux et extrêmement actif qui a fait de « la cause » tunisienne son nouvel leitmotiv.
Deng Xiaoping, le dirigeant chinois, n’a-t-il pas dit que peu importe que le chat soit blanc ou noir pourvu qu’il chasse la souris! La conclusion d’un nouvel accord stratégique entre notre pays et l’Union européenne nous met sur une nouvelle voie de développement économique. Il revient aux Tunisiens de saisir cette opportunité qu’offre la nouvelle donne stratégique qui bouleverse les anciennes alliances et qui en crée d’autres comme celle qui lie désormais le Maroc à Israël et ses conséquences sur la région.
La nouvelle donne économique qu’offrent les nouveaux accords avec nos alliés européens, via ce mémorandum, est à même de sauver, à moyen terme, un modèle de développement qui a atteint ses limites. Il est certain qu’il y a un regain d’intérêt pour la position géographique stratégique de la Tunisie. Pas seulement comme portail économique ouvert sur l’Afrique; mais aussi en raison des nouvelles luttes d’influence qui secouent la Mare nostra avec l’arrivée des Russes et des Chinois, les ennemis stratégiques des Américains et des pays qui sont dans leur giron.
L’immigration subsaharienne, un catalyseur?
La question de l’immigration subsaharienne n’aurait jamais suscité de telles polémiques et réactions si l’Italie était gouvernée par une coalition de gauche ou du centre. La nouvelle égérie italienne, élue sur un programme qui veut limiter au maximum l’immigration vers l’Italie pour rejoindre l’Europe, avait pour objectif politique de réaliser sur le terrain des progrès significatifs dans la limitation de cette immigration. Ce n’est pas sûr qu’avec les accords européens avec la Tunisie, elle va les atteindre, mais elle a fait l’impossible.
Cependant, la ruée africaine vers l’Eldorado, européen, s’est accélérée d’une façon significative ces derniers mois. Les mauvaises langues prétendent que les autorités tunisiennes ont fait preuve de laxisme dans le contrôle des départs à partir des côtes tunisiennes. Ce qui est évidemment faux, en témoigne le nombre de candidats empêchés et d’arrestations effectuées dans les milieux organisant l’immigration illégale. Et puis ce n’est nullement le rôle de notre armée et de nos services de sécurité de garder les frontières des voisins. Les nôtres (voisins) débarquaient ces clandestins par milliers, par bus et camions pour les déverser au bord de nos frontières. Doit-on pour autant leur renvoyer la politesse? Ce que du moins nous accusent les ONG et les médias qui se sont spécialisés dans les campagnes de presse anti-tunisiennes. Mais plus personne ne les entend sur l’autre rive de la Méditerranée et pour cause! Ils sont payés pour protester mais aussi pour se taire.
Une grande conférence sur l’immigration subsaharienne va se tenir en Italie avec la participation des pays « fournisseurs » dont la Tunisie. Il faut le dire, l’idée est tunisienne et a été formulée par le président de la République à maintes reprises, mais G. Meloni l’a exécutée. La Tunisie va-t-elle être présente, puisque notre chef de l’Etat est invité à prendre la parole? La « subtilité » de la diplomatie tunisienne nous échappe encore, mais il nous semble que c’est une belle occasion de rencontrer nos partenaires africains et de leurs parler les yeux dans les yeux!