Ça coule de source, en ces temps de canicule il faut bien s’hydrater. Faire gaffe que le corps ne manque pas de liquide. Déjà qu’on manque cruellement de liquidité. La tirelire de l’Etat, tout comme celle de ses concitoyens est vide et les comptes sont en rouge depuis belle lurette. Il parait, à ce propos, que la BCT essaye d’arroser l’économie par de la planche à billets, histoire d’assurer un peu de liquidité. Sauf, comme nous le diront nos aïeux, on n’arrose pas une plante morte, cela ne fera que pourrir les racines en plus de rendre la terre infertile.
Mais qu’à cela ne tienne, et pour revenir à la canicule, tous les toubibs vous diront qu’il faut boire de l’eau, beaucoup d’eau. Il faut le rappeler et, par les temps qui courent, appeler à toujours avoir une petite réserve en eau chez soi, histoire de parer au pire. C’est que tout laisse à croire que le pire est bien là. Il est là depuis qu’on nous informe que, sous prétexte de travaux de maintenance de routine, il y a ceux à la SONEDE qui veulent provoquer des tensions sociales à travers les coupures d’eau. C’est véridique, c’est le Chef de l’Etat lui-même qui vient de le dire. On peut toujours nous raconter que la canalisation est vétuste et que près de la moitié de l’eau qui y circule s’échappe vers des nappes phréatiques plus clémentes. Cela importe peu, l’essentiel c’est de ne pas y toucher. En tout cas, pas maintenant en ces temps de chaleur: chaleur politique, cela va sans dire. Ça chauffe de ce côté, on le sait, depuis qu’on a la preuve, par des juges assermentés, qu’il y a complot contre la sêureté de l’Etat. Des méchants qui veulent nous assécher dans le but, désormais avoué, de maintenir le pays dans un brasier brulant.
Des comploteurs qu’il faut coûte que coûte mettre à l’ombre, là et maintenant, quitte à mettre à la trappe toutes les réformes économiques, pourtant d’actualité brulante. Qu’importe si, avec ce retard dans les réformes à entreprendre, ça sera le commun des Tunisiens qui payera la facture en se faisant brûler à vif par une inflation galopante. Pour le petit peuple, il sait déjà qu’il vit l’enfer et que ce qui reste de sa carcasse est entrain d’être sucé jusqu’à l’os. Cela lui importe peu surtout qu’il ne restait en effet pas grand-chose sur ses os depuis qu’il n’arrive même pas à acheter du pain. Alors pour ce qui est de se rafraichir avec de l’eau, il passera le relais.
Les sueurs froides de la trouille d’être mêlé à une affaire de complot feront le reste. Les sueurs froides ça rafraichit et rappellent, s’il en faut, qu’il ne faut surtout pas l’ouvrir, en tout cas pas sur les réseaux sociaux. Il ne le faut surtout pas depuis que ces réseaux tentaculaires sont devenus des plateformes pour la diffusion de rumeurs, de fausses informations, et de diffamation contre de hauts responsables de l’État, et des outils dont certains se servent pour porter atteinte à la sécurité nationale. C’est véridique puisque c’est le Chef de l’Etat luimême qui vient de le dire en recevant dernièrement le ministre des Technologies de la communication. Des malins diront qu’on prépare le retour de «ammar 404 », sauf qu’ils n’en savent rien. Le phénomène est mondial. Le Chef de l’Etat vient de nous rappeler, à ce propos, la récente position de l’Union européenne qui entend interdire toute publication qui appelle à la haine, à la désobéissance ou à la violence, ainsi que la censure de tout réseau social. Qu’importe, au passage, si l’Union européenne n’a encore rien décidé de concret en la matière et qu’il y a débat sur le sujet, l’essentiel c’est qu’on peut liquider nos problèmes courants en silence.
Désormais, comme on dit en langage gastronomique, il faut préserver notre cuisine interne et être prêt à toujours opiner du chef. C’est qu’il faut, avant toute autre revendication libertine, préserver la sûreté nationale. Ça coule de source.
Cet article est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 874 du 19 juillet au 2 août 2023