Le réchauffement climatique a ceci d’effarant, il nous ramène à notre triste réalité en grossissant le trait. Les pénuries d’eau, les coupures d’électricité à répétition, la désertification de notre enseignement font irruption sur la scène politique et sociale avec leur cortège de peurs et de menaces. Elles font craindre le pire pour les avoir longtemps occultées. Rien n’a été entrepris, pendant qu’on le pouvait, pour nous préparer à ce basculement mondial qui nous prive de l’essentiel, des moyens d’une vie digne et décente et des leviers d’un développement durable. Pourtant, ce n’est pas faute d’alerter depuis longtemps sur ce danger qu’on savait imminent.
La Tunisie, de tout temps, n’existe qu’ ’à travers ces 3 défis que sont l’eau, l’électricité et le capital humain. Sa survie dépend de sa capacité à maîtriser et apprivoiser ces éléments essentiels à la vie.
L’eau, sous l’effet du réchauffement climatique et de la sécheresse, se fait de plus en plus rare et… chère. En voulant rationner sans discernement, de crainte de sacrifier l’agriculteur ou l’usager, on a fini par provoquer la colère des uns et des autres. Les coupures d’eau dans les villes et les campagnes ont effacé quelque quatre décennies de progrès. Elles nous renvoient aux heures les plus sombres de notre histoire récente.
L’agriculture est à l’agonie. Son sort est scellé; celui du pays ne l’est pas moins.
La pluie n’est plus au rendez-vous et les barrages d’eau sont vides ou presque. L’agriculture est à l’agonie. Son sort est scellé; celui du pays ne l’est pas moins. Les experts avaient beau mettre en garde contre l’apathie, l’immobilisme ou l’incompétence des dirigeants, rien n’y fit. Ils avaient échafaudé sans succès à cet effet tout un chapelet de scénarios, les uns plus catastrophiques que les autres. Ils n’avaient laissé aucune place au doute ou au scepticisme.
Chronique d’un désastre annoncé, en l’absence d’un sursaut qui n’est plus hélas de saison. On en mesure aujourd’hui l’ampleur et la gravité. Il n’y avait pourtant aucune fatalité à subir les affres du réchauffement climatique sans en atténuer les effets. Il existe toute une panoplie de mesures d’économie et d’optimisation, avec en prime le recyclage des eaux usées dans les règles de l’art, le dessalement de l’eau de mer, l’exploitation des eaux souterraines profondes…
Sans vision, sans gouvernance politique digne de ce nom, on voit mal comment s’élever à un tel niveau et prendre une telle hauteur. Sans véritable leadership politique, on s’est condamné à l’immobilisme.
Nous payons aujourd’hui, en pleine canicule, le prix de notre errance. Nous avons, sans réagir, laissé passer le train de la transition écologique, sans même chercher à rattraper celui de la transition énergétique, pourtant si vital. Que représente aujourd’hui la part des énergies renouvelables dans un pays ouvert à tous les vents et qui brûle sous le soleil à longueur d’année ou presque ? A peine 3% de notre consommation totale, moins du dixième de ce qui était prévu, au moment où nos ressources pétrolières et gazières fondent comme neige au soleil. Notre déficit énergétique n’a jamais été aussi grand et aussi coûteux en devises. Dire que nous rêvions d’être les pionniers dans la région en matière d’énergie renouvelable ! Le constat est amer : nous ne sommes plus dans la course. Sans vision, sans gouvernance politique digne de ce nom, on voit mal comment s’élever à un tel niveau et prendre une telle hauteur. Sans véritable leadership politique, on s’est condamné à l’immobilisme. On marche à reculons. On ne voit pas défiler le monde en devenir, pris dans une incroyable accélération.
Triste perspective ! Les coupures d’électricité n’ont d’égales que celles qui privent régulièrement les citoyens d’eau potable.
Douze ans durant, la lutte pour le pouvoir a éclipsé tout le reste. Elle a mis à la trappe nos ambitions industrielles et notre capacité d’entreprendre et de créer de la richesse. Le pays est même, nous dit-on, menacé d’effondrement. Triste perspective ! Les coupures d’électricité n’ont d’égales que celles qui privent régulièrement les citoyens d’eau potable. Sans électricité disponible et bon marché, sans énergie propre d’origine solaire, éolienne, dont nous sommes abondamment pourvus par la nature, nos capacités électriques en seraient lourdement impactées. De quoi gripper toute la mécanique productive et mettre en danger la sécurité des personnes et de la nation.
Que dire, sinon que l’eau, l’électricité et le capital humain sont les trois défis majeurs qui dessinent notre ligne d’horizon et fixent le cap de notre marche vers la maturité économique et technologique.
A-t-on mesuré les effets des coupures d’eau et d’électricité en termes d’inconfort, de coût humain et économique, d’attractivité des investissements et de création d’emplois ? Notre seuil de développement humain dépend de notre capacité à surmonter le stress hydrique et énergétique. En clair, le PIB lui-même ne serait que le reflet d’une combinaison harmonieuse d’eau et d’électricité. A quoi s’ajoute, pour réguler le tout, un troisième facteur d’importance majeure, le défi de tous les temps d’aujourd’hui et de demain plus que celui d’hier : celui de l’enseignement. Le seul qui soit porteur de changement.
De tous les défis, c’est le plus difficile à relever à l’heure des nouvelles technologies émergentes, de l’IA… De l’école de base jusqu’aux enceintes universitaires en passant par les centres de formation professionnelle, notre système d’enseignement est malade, tombé en déshérence, faute d’inspiration et d’innovation. L’université est bien en peine de former ses propres formateurs. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, l’élite qui sort des rares îlots d’excellence ne résiste plus à la tentation d’aller chercher un meilleur avenir sous d’autres cieux, toujours prompts à l’accueillir.
Que dire, sinon que l’eau, l’électricité et le capital humain sont les trois défis majeurs qui dessinent notre ligne d’horizon et fixent le cap de notre marche vers la maturité économique et technologique. Que dire sinon les relever ou périr. C’est ce qui fait aujourd’hui la richesse et la puissance des nations.
Au vu de notre engagement à ce niveau, on ne s’étonne pas de l’état de décomposition et de déprime du pays, rongé moins par les pénuries de produits de consommation courante que par le déficit d’eau, d’électricité et de jeunes prodiges qui sont l’incarnation du génie national. Pouvons-nous, dans ces conditions, rebondir et nous projeter dans le futur ? Mais ce futur a-t-il pour nous un avenir ?
Cet édito est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 874 du 19 juillet au 2 août 2023