La malnutrition est un problème mondial parmi les plus critiques, mais insuffisamment pris en compte. Ses coûts humains et économiques colossaux pèsent le plus lourdement sur les populations pauvres, en particulier les femmes et les enfants.
Près de 150 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent d’un retard de croissance. Ce qui laisse présager de nombreux problèmes de développement, notamment des déficits cognitifs et de plus faibles perspectives économiques. 40 % d’entre eux vivent en Afrique subsaharienne où, malgré tous les efforts déployés, le nombre d’enfants souffrant d’un retard de croissance continue d’augmenter. Or, au-delà de ses conséquences sur les individus, la malnutrition entrave la capacité d’un pays à accumuler du capital humain.
Sans une action urgente, l’ODD visant à réduire la malnutrition de 50 % d’ici 2030 ne sera pas réalisé. C’est pourquoi des appels ont été lancés pour que des engagements soient pris en faveur d’une augmentation et d’une amélioration des dépenses consacrées à la nutrition. Et pour qu’un Rapport annuel sur la nutrition dans le monde soit établi afin de suivre l’action des différentes parties prenantes.
Il est urgent d’augmenter les fonds consacrés à la nutrition
Nous savons qu’il faut sans tarder accroître les ressources publiques pour financer des interventions en matière de nutrition. Et la bonne gestion de ces ressources sera déterminante pour l’efficacité des mesures gouvernementales contre la malnutrition. Cependant, les systèmes de gestion des finances publiques ne sont en général pas conçus pour répondre aux besoins multisectoriels nécessaires à une action efficace dans ce domaine.
Notre nouveau rapport, intitulé en anglais « Driving Nutrition Action through the Budget : A Guide to Nutrition-Responsive Budgeting », affirme qu’une réponse nutritionnelle nécessite une action gouvernementale efficace. Avec notamment une allocation suffisante des ressources publiques aux interventions prioritaires et à fort impact, une bonne gestion de ces ressources et une coordination efficace des parties prenantes. Un système de gestion des finances publiques tenant compte de la nutrition doit offrir les bons outils pour une action efficace. Dans le cas contraire, il sera toujours difficile d’atteindre la cible de l’ODD.
La coordination multisectorielle permet d’améliorer les résultats nutritionnels
Ainsi, l’implication de nombreux secteurs est indispensable pour lutter contre la malnutrition. Les administrations des secteurs de la santé, de l’eau, de l’éducation, de l’agriculture, les autorités locales et bien d’autres encore fournissent des services complémentaires. Mais leur coordination est difficile, même lorsqu’il existe au sein du gouvernement une agence spécialement chargée de cette mission.
Les budgets étant alloués par secteur, des problèmes de gouvernance et de gestion se posent lorsque les pays veulent s’attaquer à des questions intersectorielles telles que la nutrition. En l’absence d’ajustements appropriés des systèmes de gestion des finances publiques, la mise en œuvre d’une réponse nutritionnelle efficace peut être freinée par des questions relatives au budget, à la responsabilité, aux modalités de déploiement et aux priorités budgétaires. Cela rend la lutte contre la malnutrition délicate et compliquée, bien que des interventions rentables et à fort impact aient fait leurs preuves.
Qu’est-ce qu’un budget attentif aux questions de nutrition?
Un budget tenant compte des questions de nutrition peut contribuer à résoudre ce problème. Le rapport fournit des conseils précis sur la manière de passer à un tel système. Les ajustements nécessaires permettront de déterminer les interventions appropriées et d’établir des priorités entre les différents secteurs.
Ils permettront aussi de vérifier ce qui a été financé et les insuffisances majeures qui subsistent. Une fois financé, le système aidera les agences gouvernementales à suivre la mise en œuvre et à demander des comptes aux parties prenantes sur les progrès accomplis. Il sera également possible de trianguler les données sur les dépenses avec celles relatives aux résultats, afin de pouvoir corriger le tir sur la base de données probantes.
Tout cela n’implique pas d’investir dans de nouveaux systèmes et de nouvelles technologies. Il suffit simplement de tirer parti des structures et des institutions existantes en leur apportant des ajustements mineurs. Et ce, de manière à faciliter la gestion, la coordination et la responsabilisation pour une réponse plus efficace.
Regarder au-delà de la nutrition
Le concept de budget attentif aux questions de nutrition n’est pas nouveau. La prise en compte de problèmes intersectoriels comme la nutrition est depuis longtemps une réalité pour les questions de genre et de climat. Cela a permis de tirer des enseignements précieux sur ce qui fonctionne, où et dans quelles circonstances. Les gouvernements du Rwanda et de l’Indonésie se sont appuyés sur ces principes pour orienter leurs réformes en matière de gouvernance nutritionnelle.
Les acteurs de terrain ont beaucoup à gagner en regardant au-delà du domaine de la nutrition. En effet, les gouvernements peuvent déjà avoir mis en place des solutions qui guident la gestion des ressources pour soutenir la fourniture d’autres biens publics mondiaux. En s’appuyant sur ces mécanismes, il peut être possible d’accélérer les réformes, d’aider à identifier les porteurs de changement au sein des ministères des Finances et, ainsi, de faire avancer les choses.
Source : Banque mondiale