Le combat féroce engagé depuis le début de l’année scolaire entre le ministère de l’Éducation et la Fédération des enseignants de base est terminé par un KO technique. Désormais, sagesse oblige, « que vienne la paix des braves ».
« Oui, nous avons perdu une bataille, mais nous n’avons pas perdu la guerre, et notre secteur ne se soumettra pas. Nous reprendrons le combat dès le début de la prochaine année scolaire ». Ainsi s’exprimait le SG adjoint de la Fédération de l’enseignement de base, Taoufik Chebbi, dimanche 23 juillet 2023. Et ce, pour faire avaler à ses camarades l’amère pilule de la décision prise par la Commission administrative sectorielle de l’enseignement de base. Laquelle a enjoint aux enseignants d’accéder à la plateforme dédiée à cet effet et de verser les notes avant la date butoir du 24 juillet.
Enfin, la contestable et contestée mesure de rétention des notes, cheval de bataille de la fédération dans son long et interminable bras de fer avec le ministre de l’Education, Mohamed Ali Boughdiri, a connu son apothéose par un cruel échec et mat en faveur de l’ancien secrétaire général de l’Union régionale du travail de Ben Arous, élu secrétaire général adjoint de l’UGTT chargé du secteur privé lors du congrès de 2017.
Ironie du sort, l’ancien syndicaliste, habile tacticien, rompu aux négociations difficiles, aura terrassé ses adversaires, en même temps ses anciens camarades, à l’usure par des mesures d’un courage inouï !
Humiliation
La Fédération de l’enseignement de base avait-elle le choix de brandir le drapeau blanc ?
« Le secteur a exprimé sa volonté de poursuivre la lutte dès le début de la prochaine année scolaire, après une série de rencontres d’évaluation des actions des enseignants, qui aboutiront à une conférence nationale visant à examiner les moyens et les mécanismes permettant la poursuite les prochaines actions à entreprendre », poursuivit Taoufik Chebbi afin de convaincre ses camarades que la « guerre n’est pas perdue » et que la reculade de la fédération n’est qu’une manœuvre tactique pour mieux sauter au début de la prochaine année scolaire. De l’art de transformer la défaite en une éphémère victoire. Mais la ficelle est trop grosse !
Car, la décision prise par la Commission administrative sectorielle de l’enseignement de base n’est-elle pas motivée essentiellement par la scission au sein même du corps enseignant alors que 17 000 maîtres d’école étaient privés de leurs salaires du mois de juillet et que 350 directeurs d’établissements scolaires furent brutalement révoqués ?
Oui, a avoué M. Chebbi à demi-mot : « Surtout compte tenu de la manière inhumaine avec laquelle le ministère a forcé certains enseignants et directeurs à ne pas respecter les décisions syndicales ». Et de conclure, amer : « La lutte n’était pas équilibrée, car le ministère de l’Éducation avait pris des décisions abusives et contraignantes qui ont perturbé les enseignants et les directeurs ».
Rénover son foyer interne
La rentrée scolaire sera-t-elle pour autant menacée ? « Il est vrai que la crise sera reportée à l’année scolaire prochaine, mais nous ne parlons pas de boycotter la rentrée scolaire », soulignait prudemment le SG adjoint de la fédération, confirmant que le secteur reviendra à la lutte « après avoir rénové son foyer interne pour élaborer des plans de lutte appropriés ».
Que signifie cette énigmatique confession ? Qu’il y a péril en la demeure syndicale et que des têtes vont tomber.
La preuve ? Le secrétaire général de la Fédération de l’enseignement de base, Nabil Haouachi, lâché aussi bien par sa hiérarchie que par ses bases, les enseignants récalcitrants s’étant résignés, à contrecœur, à verser les notes retenues avant la date du 24 juillet, aurait menacé de démissionner de son poste.
Peine perdue, puisque certains adhérents lui reprochent d’être à l’origine de la ligne dure et intransigeante ayant provoqué une crise profonde avec le département de tutelle. Lequel a répliqué par la décision brutale de limoger sèchement 350 directeurs d’école et de suspendre les salaires de juillet pour 17 000 enseignants. Du jamais-vu, de mémoire de syndicaliste !
Quelles leçons tirer de cette confrontation sans précédent entre le ministre de l’Education et la Fédération des enseignants de base affiliée à l’UGTT ?
Primo : que la centrale syndicale, sachant la cause perdue car impopulaire aux yeux de la majorité des parents, a eu la sagesse de ne pas entrer en conflit frontal avec le ministre de l’Education, choisi personnellement par le président de la République, Kaïs Saïed.
De surcroît, il est fort probable que les dirigeants de la place Mohamed-Ali, Noureddine Tabboubi en tête, ne soient en leur for intérieur mécontents que la rebelle et inflexible Fédération des enseignants de base soit humiliée publiquement ; démontrant ainsi que l’« aventurisme » ne paye pas.
Secundo : que la rétention des notes, brandie comme une arme tout au long de l’année scolaire, a eu l’effet boomerang : on ne badine pas avec les examens scolaires au risque de se mettre à dos quasiment l’ensemble de l’opinion publique. Comment expliquer aux parents d’élèves que l’on prenne leurs progénitures en otages, fût-il pour des revendications matérielles, d’ailleurs tout à fait légitimes ?
De la retenue
Morale de l’histoire : M. Boughdiri, dont la fermeté a été unanimement saluée, ne doit pas pavoiser. Au contraire, il serait bien inspiré de jouer désormais la carte de l’apaisement. Un Etat qui se respecte n’humilie pas impunément ceux qui sont en charge d’éduquer ses enfants !