Les conflits d’intérêts et les divergences d’opinions entre les différents intervenants impliqués dans le processus de gestion des déchets font de la question environnementale « un sujet de conflit évoluant progressivement vers la confrontation », estime le département de justice environnementale et climatique relevant du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES).
Dans sa revue semestrielle consacrée à la justice environnementale publiée récemment, le FTDES souligne que ces deux problématiques sont de nature à accentuer davantage la crise environnementale en Tunisie.
Le forum a ainsi évoqué des « intérêts divergents des différentes parties », expliquant que les entreprises privées chargées de la gestion des décharges contrôlées et semi contrôlées font fortement pression pour conserver les méthodes d’enfouissement et pour reporter le passage vers la valorisation des déchets.
« Leur objectif est de protéger les bénéfices considérables liés au transport non contrôlé de tous les déchets. Ces entreprises ont pour intérêt d’amener la plus grande quantité de déchets dans les décharges, car leur revenu est lié au poids de ces déchets », indique-t-il.
Pour l’organisation, l’attribution d’une partie des services de gestion de déchets à ces entreprises par le biais de concession données par les municipalités ou l’Agence Nationale de Gestion des Déchets (ANGED) reflète « l’orientation graduelle de la privatisation de ce secteur ».
Bien que ce processus de privatisation soit structuré par des cadres juridiques précis et des cahiers des charges, assure la même source, il n’en demeure pas moins qu’il reste une source de nombreux problèmes et dépassements ayant affecté les habitants des zones limitrophes aux décharges.
Un discours officiel qui ne reflète par la réalité du terrain:
Dans son rapport, le forum a, par ailleurs, déploré la divergence des visions entre les différentes parties prenantes dont les autorités, les victimes de la pollution environnementale et la société civile. Pour le FTDES, la vision des autorités repose notamment sur la centralisation de la gestion des déchets, l’adoption des technologies d’enfouissement, la construction de décharges auprès des groupes sociaux les plus vulnérables et le renforcement de la présence policière lors des mouvements sociaux environnementaux.
En contrepartie, les groupes vulnérables et la société civile réclament leur droit à un environnement sain. Ils plaident ainsi en faveur de la décentralisation de la gestion des déchets et leur valorisation.
Pour ce qui est des responsables des ministères concernés, notamment le ministère de l’Environnement, l’organisation leur reproche le fait de tenir un discours prônant la valorisation des déchets qui ne reflète pas la réalité sur le terrain.
« Le ministère continue son adoption de l’enfouissement et de la privatisation au point que le discours de certains responsables va jusqu’à justifier ces choix par l’irresponsabilité et le manque de conscience environnementale des citoyens », déplore l’organisation.
En conclusion, le forum a appelé les autorités à prendre une position décisive sur la question environnementale qui doit être en accord avec les slogans qu’elles défendent et axée sur la lutte contre la corruption.
La Tunisie produit environ 2,7 millions de tonnes de déchets, selon l’ANGED
Le taux de production de déchets par habitant est de plus de 0,815 kg par jour en milieu urbain et environ 0,250 kg en milieu rural.
Pour la gestion des déchets, les municipalités contribuent à hauteur de 40 % environ. Le coût par tonne de déchets est alors compris entre 60 et 80 dinars au stade de la collecte et environ 20 dinars au stade de la transformation et de l’enfouissement.
L’ANGED contrôle 13 décharges, 4 sont fermés (à Monastir, Agareb, Kerkennah et Djerba), et 4 sont semi-contrôlés. La capacité annuelle de ces décharges est d’environ 1,8 million de tonnes, d’après les données du FTDES.
Avec TAP