Ce 3 août 2023, Habib Bourguiba aurait eu 120 ans. A Monastir comme partout en Tunisie, on fête donc aujourd’hui l’anniversaire de la naissance du Zaïm.
Habib Bourguiba, né le 3 août 1903 à Monastir, fils de Ali Bourguiba et de Fatouma Khefacha, est le dernier de ses frères et sœurs. Il est le fondateur du parti Néo-destour en 1934, marquant le début de sa carrière politique. Il a parcouru tout le pays pour faire connaître son parti et a rapidement souhaité moderniser la Tunisie en créant le Code du statut personnel (CSP), luttant contre la polygamie. En un mot, en œuvrant pour l’émancipation de la femme.
Tout au long de sa vie, il se démarqua de ses homologues arabes en prônant des réformes progressistes et en promouvant l’égalité entre hommes et femmes.
67 ans après l’indépendance de la Tunisie, Habib Bourguiba est resté non seulement un symbole de l’Histoire du pays mais aussi dans le monde entier. Plus encore, il a toujours opté pour un monde plus libre.
Le leader Bourguiba estimait indispensable de faire évoluer les mentalités, comme il l’a dit dans une de ses nombreuses citations : « Il faut moderniser et changer les mentalités”. Il était le seul à pouvoir le faire, en imposant le Code du statut personnel, interdisant notamment la polygamie. A l’époque déjà, sa réputation était faite. Bourguiba pour le reste du monde était le libérateur de la femme.
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Aujourd’hui, la question est de savoir ce qui reste de l’héritage exceptionnel et intemporel de Bourguiba : l’obligation et la gratuité de l’enseignement, la République, l’accès à la santé pour tous, l’émancipation de la femme, le Code du statut personnel, l’interdiction de la polygamie, la couverture sociale. Autant d’acquis qui ont permis à la Tunisie de l’après-14 janvier 2011 de résister aux sirènes de l’obscurantisme.
Aujourd’hui, qu’en est-il réellement? Il semble que les valeurs de la République aient changé (création d’écoles privées et d’établissements de santé privés…).
Walid Bouzgarou, un des membres de la famille du leader Habib Bourguiba, témoigne: « L’héritage de Bourguiba dans beaucoup de domaines est encore très fort. Prenons quelques exemples, à commencer par l’éducation. Le Tunisien lui accorde encore beaucoup de son budget familial, les succès des Tunisiens à l’étranger sont encore retentissants, la demande sur ces compétences dans plusieurs domaines le prouve (ingénieurs informaticiens, médecins, entre autres). Malheureusement, cet héritage est en train d’être dilapidé, et le Tunisien doit faire très attention à ne pas perdre ce pilier du bourguibisme ».
M. Bouzgarou poursuit: « Le deuxième pilier de cet héritage est les droits de la femme. Ici aussi, les choses ne sont pas au beau fixe. Ce qui a fait jusqu’à aujourd’hui la fierté de la femme tunisienne, le CSP, est lourdement menacé. Et cette menace est bien réelle et non hypothétique. A ce jour, le monde arabe envie à la femme tunisienne son droit d’exercer tous les métiers, de suivre les études qu’elle veut. Et là, je vais vous raconter une anecdote: ma fille parlait avec des amis marocains, il y a quelques jours, ces derniers l’ont apostrophée pour ces droits qu’eux n’ont pas. Elle m’a avoué qu’elle comprenait maintenant l’importance de ces acquis ».
De son côté, Nazih Zghal, cardiologue, nous dit : « Pour un pays qui a bâti son avenir sur la matière grise, se retrouver, en 2023, avec 2 millions d’analphabètes est quelque chose à la fois absurde et choquante. Alors que dans le temps on donnait des cours aux adultes pour éradiquer l’analphabétisme. Mais qu’en est-il de l’école publique comme la voulait Habib Bourguiba, un enseignement obligatoire et gratuit pour tous? Réponse: on est en face d’un pays où l’enseignement et l’ascenseur social sont en perte de vitesse ».
En somme, l’héritage de Bourguiba n’est pas totalement perdu, mais il est fortement menacé. Un changement des mentalités s’impose, c’est le seul moyen pour le préserver.