La lutte pour les droits des femmes et l’éradication des inégalités persiste comme un enjeu majeur en Tunisie. La vigilance et l’action constante demeurent cruciales pour protéger et renforcer les acquis du CSP et pour promouvoir l’égalité des sexes dans tous les aspects de la société.
Sana Ghenima, présidente de l’association « Femmes et leadership », estime que pour ce 13 Août, la situation devient de plus en plus morose, en témoigne la montée croissante du nombre de féminicides.
Elle poursuit : « Il y a à peine trois jours, une agricultrice a été victime d’un décès tragique alors qu’elle se rendait à son travail. Cette situation contribue à la détérioration des acquis. De plus, les élections en cours suscitent des inquiétudes, car la loi électorale en place ne garantit pas la parité et l’égalité, quel que soit le mode de scrutin. Les femmes restent faiblement représentées au Parlement, ce qui amoindrit leur voix. Peu d’efforts ont été déployés en termes de législation, de budgétisation sensible au genre et de projets d’action. »
Selon elle, un autre indicateur préoccupant est la déscolarisation, avec des répercussions sociales et économiques majeures. La nécessité de tout reconstruire pose un défi. Le piège réside dans le fait qu’un plaidoyer auprès des gouvernants actuels semble inopérant. Ils semblent insensibles à cette question, et qu’on cherche à discréditer les femmes en sous-entendant qu’elles ne sont pas performantes pour occuper des postes, renforçant ainsi la prédominance masculine dans les sphères de décision.
Sana Ghenima met également l’accent sur un autre aspect inquiétant concernant les jeunes, plongés dans un état de désespoir et de désemparement. Le regain d’espoir pour un avenir meilleur semble nécessiter un miracle, alors que la migration irrégulière augmente et que même les femmes diplômées de l’enseignement supérieur quittent massivement le pays. La tâche de la reconstruction s’annonce très ardue.
Selon vous, comment la société civile peut se reconstruire et retrouver son élan ?
« Tout d’abord, il y a une évidence : l’épuisement. Cela dure depuis plus de 12 ans, mais auparavant, nous avions un projet moderniste, un nouveau contrat social qui s’opposait à un projet obscurantiste. Aujourd’hui, ce projet de société moderniste semble avoir été éclipsé, laissant place à une logique populiste destructrice qui nous plonge dans l’ignorance. Pour avancer, nous devons concentrer notre énergie et être prêts à écouter.
Au niveau des gouvernants, il semble qu’ils se soient perdus dans une quête qui les éloigne du véritable développement et des attentes du peuple. Ce qui se produit actuellement manque de logique et de partenariat pour éclairer l’opinion publique. Actuellement, les gens préfèrent se plaindre de leur quotidien, et la classe moyenne se sent écrasée. La situation est véritablement sombre, et ce silence ne laisse rien présager de bon. »
Sana Ghenima: « le fondement de la Tunisie repose sur l’engagement de tous, hommes et femmes »
Les femmes et les jeunes se trouvent dans un état de bouillonnement. D’où la question: quel message aimeriez-vous transmettre pour le 13 Août ? « Je répète ce que le leader Habib Bourguiba a dit : le fondement de la Tunisie repose sur l’engagement de tous, hommes et femmes, envers le pays. Je crois que les acquis de la société tunisienne sont bien enracinés, et les femmes tunisiennes continueront à œuvrer à tous les niveaux. La lumière brille au bout du tunnel grâce à la perspicacité tunisienne, en vue de construire sur des bases solides », souligne-t-elle.
Quant à Ayda Ben Chaabane, militante de la société civile, elle ne croit pas que les femmes en Tunisie soient réellement menacées. Elle déclare : « Je ne crois pas non plus que les femmes tunisiennes soient aussi faibles qu’on cherche à le faire croire. Il y a une grande différence entre le mouvement masculin qui inflige beaucoup de violence aux femmes et l’idée que les femmes sont faibles. Au contraire, cela prouve que ce sont les hommes qui sont faibles, car les femmes sont en réalité très fortes.
Ayda Ben chaabane: « Les femmes non seulement sont fortes, mais gèrent aussi l’ingérable »
Et de poursuivre: « Lorsqu’on a tenté de cadrer les femmes en tant que leaders d’opinion depuis quelques années, certaines d’entre elles sont restées silencieuses, le mouvement féministe s’est affaibli. Cela signifie que la véritable lutte se déroule dans l’espace privé des femmes. »
Elle précise dans ce contexte: « Les femmes tunisiennes s’investissent au quotidien, avec ou sans les partis politiques ou les associations, pour faire face à ce monde de masculinité coupable. Il est crucial de comprendre la spécificité des femmes tunisiennes qui, non seulement sont fortes, mais gèrent aussi l’ingérable. Elles travaillent, sont autonomes et s’investissent également dans l’espace public. Les femmes tunisiennes, en vertu du statut du Code du statut personnel (CSP), sont les gardiennes de l’État tunisien. Le maillon fort de la Tunisie, c’est les femmes tunisiennes. « Hrayer Tounes » qui est la force de ce mouvement. Elles ont réagi quand la Tunisie était menacée en 2012 et 2013. »
Et de poursuivre: « Ce qui menace aujourd’hui, c’est que la situation actuelle, les citoyens ne semblent pas saisir pleinement leur rôle de citoyenneté. Plus encore, ce que l’on appelle solidarité féministe n’existe pas vraiment, c’est plutôt un nivellement par le bas. Avec le temps, grâce à mes expériences, je n’ai pas peur pour les femmes tunisiennes.
Alors, quel message désiriez-vous partager en ce 13 Août ? Ayda Ben Chaabane conclut en ces termes : « En cette journée, il revêt une importance primordiale que les femmes s’engagent activement à promouvoir l’éducation et la culture. Cette étape est d’une importance capitale. Les femmes doivent participer aux élections et se soutenir mutuellement dans leurs efforts. Pour engendrer un véritable changement d’attitude, il est impératif que les femmes accèdent aux postes de plus haute responsabilité au sein de l’État. De plus, il est essentiel de concentrer nos efforts sur l’amélioration de la législation. »
En somme, cultivons la solidarité et l’unité, en laissant de côté l’égo. Comme il est souvent dit, seules, elles restent invisibles, mais ensemble, elles deviennent invincibles.