Le président de la République, Kaïs Saïed, a choisi de célébrer la Journée nationale de la femme tunisienne, célébrée le 13 août de chaque année, à Borj El Toumi, autrement dit loin du Palais de Carthage.
Mais cela a entraîné quelques réactions et commentaires qui accusent le chef de l’Etat de vouloir diviser le peuple tunisien entre « ouvrières » et « élites ».
En effet, le président de la République a insisté sur l’importance d’éliminer l’exploitation des femmes, et appelle à l’égalité salariale (avec les hommes). De même, il a mis en avant les défis auxquels les femmes sont confrontées en tant que mères et travailleuses. Il a également appelé à revitaliser les terres domaniales abandonnées.
Mais pour certains internautes, de tels propos pourraient représenter une régression des libertés, voire un application du principe de « diviser pour mieux régner ». Aborder la question de l’égalité salariale entre hommes et femmes est un fait qui, logiquement, ne devrait pas exister au 21ème siècle, estiment ainsi nombre d’internautes.
En l’absence de Cour constitutionnelle, le président de la République est le seul interprète de la Constitution. D’ailleurs, c’est la 3ème année que le président ne célèbre plus la Fête nationale de la femme tunisienne au Palais de la présidence de la République. D’ailleurs, il a choisi de la célébrer avec les ouvrières (el Kadihat), comme annoncé dimanche 13 août lors de l’inauguration de la première entreprise citoyenne dédiée aux femmes.
Par conséquent, Saïda Garrach, avocate et militante féministe, a souligné dans un post Facebook : « Monsieur le président de la République, c’est la première fois que je n’écris pas un mot pour féliciter les femmes tunisiennes à l’occasion de leur journée. Je ne peux pas ressentir la joie des réalisations et encourager davantage de progrès, alors que nous vivons un recul après avoir abandonné la parité aux élections. Je ne peux pas féliciter les femmes tunisiennes qui sont le moteur de croissance du pays, contribuant à son développement et à la création de richesse familiale, une contribution non reconnue et exclue de l’égalité en matière d’héritage ».
Elle poursuit en ces termes : « Je ne peux pas oublier les femmes tunisiennes et le taux féminicide dans mon pays, qui a atteint 23 femmes en 2023; contre 22 l’année précédente. Je ne peux pas féliciter les femmes tunisiennes pour leurs acquis lorsque Bochra Belhaj Hamida, toute sa vie, a dû passer d’un tribunal à l’autre dans le pays en défendant les femmes victimes de violence et leurs enfants, contrainte de rester à l’étranger en attendant que la recherche progresse et que la vérité soit révélée. Bochra Belhaj Hamida, qui a toujours cru en la réforme, ils l’appelaient réformatrice plutôt que révolutionnaire « .
« Le nom de Belhaj Hamida a été retrouvé dans une affaire « toute faite » et transféré au Pôle antiterroriste sur la base d’une dénonciation d’un informateur. C’est une histoire sans queue ni tête, pleine de méchanceté et d’instructions visant à monter des dossiers contre des personnalités nationales spécifiques. Je ne peux pas ressentir de joie pour les réalisations et pour Bochra Belhaj Hamida, qui a décidé de prendre sa retraite et qui se voit faussement accusée, comme si celui qui fait cela voulait juger des générations de lutte pour la liberté, l’égalité, la démocratie et la justice sociale. Je ne peux pas ressentir de joie en tant que femme tunisienne, après avoir passé une grande partie de ma vie à lutter contre l’injustice, l’oppression et la discrimination. Alors que mon amie de longue date, Bochra, fait face à un destin inconnu où elle est constamment menacée d’assassinat par des terroristes en raison de son combat contre eux ».
Et de conclure : « Monsieur le président, demandez-leur de vous remettre une copie du procès-verbal, et vous découvrirez par vous-même une partie de ce qui est ourdi contre vous et contre ce pays, la vérité. Les femmes tunisiennes ne sont pas des conspiratrices, mais des patriotes, et leur histoire en témoigne. Nous resterons fermes comme nous l’avons toujours été, des patriotes résolues, ni soumises ni complotantes, défendant la liberté, la justice, la démocratie et l’égalité ».