Ces dernières semaines, les comptes extérieurs de la Tunisie affichent une situation exceptionnellement bonne. Bien que la croissance économique manque, ses avoirs en devises et sa balance de paiements ont retrouvé le sourire.
Cela prouve à quel point les équilibres macroéconomiques de ce pays sont compliqués à atteindre. Il faut toujours sacrifier une composante pour pouvoir tenir bon.
Une balance de paiements enfin équilibrée
Les derniers chiffres des avoirs en devises montrent un solde de 25 165 MTND, un niveau rarement atteint. Ce bond devrait conforter la balance des paiements, qui a pu atteindre l’équilibre fin juin 2023, avec un petit déficit de 4 MTND. Par rapport aux mois précédents, l’amélioration est incontestable.
Pourtant, la conjoncture économique internationale demeure vulnérable, impactée par la poursuite de la guerre en Ukraine et ses répercussions directes sur l’évolution de plusieurs secteurs d’activité. Parallèlement, le relèvement continu des taux directeurs par les banques centrales afin de contrer l’inflation a pesé sur les perspectives de croissance mondiale.
Le point positif en 2023 était la tendance baissière des cours des principaux produits de base, qui a atténué les pressions sur le secteur extérieur. Le déficit de la balance courante s’est nettement replié, au cours du premier semestre de 2023 pour se situer à -2 700 MTND, soit -1,7 % du PIB (-7 200 MTND, soit -5 % du PIB fin juin 2022). En même temps, il y a eu la consolidation des recettes touristiques (+54,4 %) et le maintien des revenus de travail à un niveau appréciable (+6,2 %).
En revanche, les entrées nettes de capitaux extérieurs ont accusé un net repli pour revenir à 2 700 MTND au cours des six premiers mois de 2023 à cause du recul des mobilisations de ressources extérieures notamment sous forme d’emprunts à moyen et long terme.
Répartition sectorielle atypique
Mais comment affichons-nous cette résilience alors que le PIB est à peine en hausse de 1,2 % depuis le début de l’année?
La réponse est que la génération des recettes en devises n’a rien à voir avec la croissance économique.
Les transferts des Tunisiens résidents à l’étranger, première ressource de monnaies étrangères hors exportations, servent principalement à consommer. L’effet inflation a réduit l’appétit des ménages, et nous avons vu la valeur ajoutée du secteur du commerce s’inscrire en baisse de -0,7 % en glissement annuel. Si le reliquat de ces revenus a atterri dans les comptes d’épargne, il aurait également servi à la consommation en passant entre les mains de l’Etat sous forme de Bons de Trésor ou d’obligations souveraines.
Pour le tourisme, ce secteur n’a représenté que 3,4 % du PIB au cours du premier semestre. Son impact est plutôt social grâce à la création d’emplois saisonniers importants. Une bonne saison touristique permet d’améliorer les flux de devises, mais cause une inflation des produits alimentaires et des activités de loisirs.
Enfin, les principales activités exportatrices, les industries mécaniques et électriques et le textile- habillement, ne contribuent au PIB qu’à hauteur de 6,8 %. En même temps, elles pèsent plus de 66,1 % des exportations. C’est totalement disproportionné à cause d’une faible valeur ajoutée.
Cela sans oublier le secteur des phosphates, qui n’a participé à la formation du PIB qu’avec 0,7 % durant le premier semestre 2023. La hausse des cours mondiaux et la légère reprise de la production n’ont eu aucun impact sur la croissance.
Nous comprenons donc ce paradoxe : les générateurs de devises ne contribuent que faiblement à la constitution du PIB. Si nous parvenons à les faire évoluer en phase et dans les mêmes proportions, une grande partie du problème de ce pays sera enfin résolue.