La Tunisie va-t-elle normaliser ses relations avec Israël? Les spéculations sur cette question récurrente viennent d’être relancées par Abdelkader Bengrina, président du mouvement islamiste Al Binaa. En effet, il affirma, samedi 12 août, à qui veut bien l’entendre que « la Tunisie va normaliser ses relations avec Israël et je sais ce que je dis ».
Le chef de la diplomatie tunisienne dépêché à Alger pour faire taire les rumeurs sur une supposée normalisation avec l’Etat Hébreu? Nous savons que le président Abdelmadjid Tebboune a reçu, mercredi 16 août, le ministre des Affaires étrangères, Nabil Ammar, envoyé spécial porteur d’un message de Kaïs Saïed à son homologue algérien. Et ce, en présence du ministre algérien des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf. Cependant, rien n’a filtré sur l’objet de la rencontre, ni sur ce qui a été dit en coulisses.
Cauchemar
Quels sont les sujets d’actualité soulevés par les deux parties au palais de la Mouradia? Probablement la reprise des affrontements en Libye, le coup d’Etat au Niger et ses conséquences sur le plan régional. Mais aussi le flux incontrôlable des migrants subsahariens qui déferle à partir des frontières algériennes et libyennes, etc.
Pourtant, selon des rumeurs persistances, le spectre de la normalisation avec Israël planait dans l’air. Un cauchemar pour l’Algérie, qui, si la Tunisie s’engageait à son tour dans le processus des Accords d’Abraham, se retrouverait prise en sandwich entre le Maroc, nouvel allié de Tel-Aviv et son voisin de l’Est.
Les appréhensions algériennes à ce sujet sont-elles justifiées? En tout cas, cette éventualité est vécue là-bas comme un cauchemar, une situation inacceptable!
Les arguments de la Tunisie
Y a-t-il des signes avant-coureurs d’un rapprochement entre Tunis et Tel-Aviv? Alors que le président de la République, Kaïs Saied a affirmé à maintes reprises que « toute normalisation est une « trahison ». Qualifiant même le plan de paix entre Israël et l’Autorité palestinienne proposé par l’ancien président américain Donald Trump, d’« injustice du siècle ».
De plus, le nouveau Parlement « en guise d’illustration du soutien inconditionnel du peuple tunisien à la cause palestinienne » a annoncé lundi 1er août que la Commission des droits et libertés avait entamé l’examen d’un projet de loi sur la criminalisation de la normalisation avec Israël.
Enfin la cantatrice tunisienne et icône de la révolution tunisienne, Emel Mathlouthi, n’a-t-elle pas été empêchée de donner un concert à Carthage? Et ce, sous le fallacieux prétexte de « normalisation avec l’entité sioniste »? A la suite d’une série de concerts en Territoires palestiniens occupés.
Attention aux loups
Tous ces arguments ne semblent pas perturber le président du mouvement islamiste Al Binaa et ex-candidat aux présidentielle algériennes, Abdelkader Bengrina. Ainsi, celui-ci jette un pavé dans la marre en affirmant que la Tunisie va normaliser ses relations avec Israël. Tout en invitant son pays à « garder un œil vigilant » sur la Tunisie. Et ce, sous prétexte qu’une telle normalisation mettrait son pays dans une situation « d’insécurité et d’instabilité ».
Sûr de lui, il déclarait samedi dernier que « la Tunisie va normaliser ses relations avec Israël et je sais ce que je dis. Et si la Tunisie rejoignait le front de la normalisation, l’Algérie serait ceinturée par la menace israélienne. ».
Cet avertissement a été émis lors d’une réunion de son parti d’obédience islamiste sur l’impact de la crise au Niger sur l’Algérie. Sachant qu’avec la crainte de la hausse des flux migratoires à partir du Sahel, l’augmentation de la menace terroriste aux frontières sud et la mise sous tension permanente de l’armée algérienne, Alger fustige le coup d’État militaire contre le président élu Mohamed Bazoum; tout en s’opposant à toute intervention militaire de la CEDEAO pour chasser les putschistes.
D’autre part, faisant allusion à la récente visite en Tunisie du Cheikh Chakhbout bin Nahyan Al Nahyan, membre du Conseil des ministres et ministre d’État aux Emirats arabes unis, le président du mouvement Al Binaa, déclarait qu’elle vise à « acheter la normalisation de la Tunisie avec l’entité sioniste». Pour lui, la normalisation entre Israël et la Tunisie « aura lieu bientôt et même très bientôt ».
Abdelkader Bengrina a rappelé qu’outre la présence d’Israël aux frontières Ouest après la normalisation des relations avec le Maroc, Tel-Aviv œuvre à s’implanter au Niger et en Mauritanie, avec l’aide des Emirats arabes unis. Il a d’autre part accusé le maréchal Haftar, l’homme fort de l’est libyen, et son fils d’entretenir des rapports avec Israël.
Enfin, quel crédit porter aux déclarations de l’ex-candidat aux présidentielle algériennes? Une analyse sur les éventuels dangers qui guetteraient l’Algérie, mais point de faits concrets. Quant à son affirmation que la Tunisie ne saurait tarder à normaliser ses relations avec Israël, autant en emporte le vent.