Si la Chine et la Russie étaient plutôt favorables à l’élargissement du groupe des BRICS, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud sont par contre peu enthousiastes à l’idée d’une expansion ; de peur d’une dilution de leur influence. La question doit être tranchée lors du Sommet de Johannesburg qui se tient du 22 au 24 août.
Ouverture ce mardi 22 août à Johannesburg, en Afrique du Sud, du 15ème Sommet des pays membres du groupe BRICS. A savoir, un regroupement informel de principaux marchés émergents et pays en développement. L’ensemble de ces pays, à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, représente environ 42 % de la population de la planète (3,2 milliards de personnes), 30 % du territoire de la Terre et pèse 27 % du PIB mondial et 20 % des échanges internationaux. C’est dire l’importance de l’événement.
23 pays candidats
« Nous avons reçu des manifestations formelles d’intérêt de la part des dirigeants de 23 pays pour rejoindre les BRICS, et bien d’autres approches informelles sur les possibilités d’adhésion aux BRICS. Il s’agit de l’Algérie, l’Argentine, le Bangladesh, Bahreïn, la Biélorussie, la Bolivie, Cuba, l’Égypte, l’Éthiopie, le Honduras, l’Indonésie, l’Iran, le Kazakhstan, le Koweït, le Maroc, le Nigeria, l’État de Palestine, l’Arabie saoudite, le Sénégal, la Thaïlande, les Émirats arabes unis, le Venezuela et le Viet Nam ». C’est ce qu’affirmait dans un briefing de presse, la ministre sud-africaine des Relations internationales et de la Coopération, Dr Naledi Pandor.
L’absence de Poutine
Placé sur le thème du « Partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, un développement durable, et multilatéralisme inclusif », le sommet de deux jours est rehaussé par la présence du président chinois, Xi Jingping, du président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, du premier ministre indien Narendra Modi et du président sud-africain Cyril Ramaphosa.
Le maître du Kremlin,Vladimir Poutine, brillera par son absence. Il n’a pu se rendre en Afrique du Sud, puisqu’il il fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crime de guerre en Ukraine. Maigre consolation : il prononcera un discours en liaison vidéo.
Ainsi, lors de ce Sommet qui se tient pour la première fois en Afrique, les dirigeants des pays membres des BRICS devront essentiellement se pencher sur l’épineuse question de l’élargissement du groupe. Sachant que, dès sa formation en 2009 par le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, il s’est élargit à l’Afrique du Sud l’année suivante. Depuis, aucun nouveau membre n’a été accueilli.
Divergences d’intérêts
C’est que la Chine et la Russie sont favorables à l’intégration de nouveaux membres au groupe créé essentiellement d’une part, pour revendiquer un équilibre économique et politique mondial multipolaire; d’autre part, pour constituer un contrepoids à l’influence occidentale. Tandis que l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, moins enthousiastes à l’idée d’une expansion et d’une dilution de leur influence, s’opposent à tout élargissement « hâtif ».
Officiellement, Brasília et New Delhi souhaitent l’accueil des nouveaux pays en tant qu’« observateurs » ou « partenaires ». Et ce, avant leur admission comme membres à part entière dans une deuxième étape.
Ainsi, l’Inde a avancé l’idée selon laquelle les pays membres des BRICS devraient se tourner vers les démocraties telles que l’Argentine et le Nigeria s’ils souhaitent élargir le bloc. Plutôt que vers l’Arabie saoudite, deuxième plus grand producteur de pétrole au monde, dont le régime est qualifié de « dynastique et autocratique ».
Pour sa part, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a déclaré que son pays est favorable à l’adhésion de nouveaux membres « qui rempliraient les exigences que nous allons discuter à Johannesburg ». Une manière de botter en touche, le leader de gauche n’a jamais été partisan d’un « Brics plus » qui diluerait l’influence de son pays.
Reste l’Afrique du Sud qui exerce la présidence tournante du Sommet dont la position sur ce sujet ne manque pas d’ambiguïté. En effet, le président sud-africain dit soutenir l’élargissement de la composition des BRICS à des pays « qui partagent le désir commun d’avoir un ordre mondial plus équilibré ». Ainsi, pour Pretoria, les cinq pays devront d’abord se mettre d’accord sur les critères que les nouveaux membres doivent respecter.
Un pied dedans, un pied dehors
Et qu’en est-il de l’adhésion de la Tunisie au groupe BRICS même en tant que pays « observateur » ? Le ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Saïed, a indiqué lors d’une plénière à l’Assemblée, le 29 juillet dernier, que « le volume de l’économie tunisienne ne permet pas de rejoindre le groupe des BRICS ». Tout en soulignant à l’occasion que « la position géographique » de la Tunisie nécessite d’avoir plutôt des relations distinguées avec l’Europe, l’UE et l’Afrique.
Cela étant, le président de la République, Kaïs Saïed, a évoqué le sujet. Et ce en accueillant au palais de Carthage, vendredi 18 août 2023, le chef de la diplomatie tunisienne, Nabil Ammar. Celui-ci était venu lui faire part de « la participation de la Tunisie à la réunion qui se tiendra, fin août, en Afrique du Sud et qui regroupera les dirigeants des Etats membres du BRICS, avec un certain nombre de pays partenaires ». Dixit un communiqué de la présidence de la République.
A quel niveau et en quelle qualité? Sachant que la Tunisie n’est pas officiellement candidate à l’adhésion au groupe des BRICS. A moins que par une habile manœuvre, le chef de l’Etat susurre aux oreilles des institutions financières de Bretton Woods ainsi qu’à nos partenaires européens que la Tunisie est en mesure de prendre le large. En a-t-elle les moyens?