Personne n’aurait misé un copeck sur l’Ethiopie, pourtant sa candidature fut retenue. Tout le monde pensait que l’Algérie avait sa place au sein du groupe des BRICS, pourtant et à la surprise générale, elle fut recalée.
Ainsi, réunis au 15ème sommet à Johannesburg du 22 au 24 août, les pays fondateurs des BRICS, en l’occurrence le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud vont accueillir trois pays arabes (Egypte, Arabie Saoudite et Emirats arabes unis), l’Argentine, le géant sud-américain et l’Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d’Afrique.
« L’adhésion prendra effet à compter du 1er janvier 2024 ». C’est ce que déclarait le président sud-africain Cyril Ramaphosa lors d’une conférence de presse conjointe du « club des cinq ». Tout en se félicitant que les BRICS « entament un nouveau chapitre ».
Réactions enthousiastes
« Elargissement historique», prédisant un « avenir radieux pour les pays du BRICS », se félicita le président chinois Xi Jinping, juste après l’annonce.
« Le rôle et l’importance des BRICS dans le monde continuent de croître », s’enthousiasma Vladimir Poutine. Le grand absent à Johannesburg, sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour crime de guerre en Ukraine et qui s’est exprimé au Sommet par visioconférence.
Pour sa part, Téhéran salua « un développement historique et un succès stratégique pour la politique étrangère du pays ». Sachant que, dans le but de briser son isolement et de revitaliser une économie fragilisée par les sanctions occidentales, la République islamique a ainsi rejoint l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), une entité régionale établie en 2001 et comptant parmi ses membres fondateurs la Chine et la Russie.
« Un grand moment pour la nation africaine », s’est écrié le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed. Ajoutant que « L’Ethiopie est prête à coopérer avec tous pour un ordre mondial inclusif et prospère ».
L’Ethiopie a été durant la décennie 2010 une des économies les plus dynamiques du monde. Mais sa croissance a été enrayée par la pandémie de Covid, les calamités climatiques, le conflit au Tigré et l’onde de choc mondiale de la guerre en Ukraine.
Les Emirats arabes unis, quant à eux, se sont également félicités de leur intégration. Le président Mohammed ben Zayed affirmant « respecter la vision des dirigeants des BRICS ».
Enfin, l’adhésion de l’Arabie saoudite est un avantage important pour les BRICS. Riyad ayant un PIB dépassant les 800 milliards de dollars selon les données de la Banque mondiale. Ce qui en fait la plus grande économie au Moyen-Orient. A savoir que les médias sud-africains rapportèrent que le roi Salmane en personne allait assister à la clôture du sommet. Mais finalement ce fut le ministre saoudien des Affaires étrangères, Faisal ben Farhan al-Saoud, qui était présent aux réunions.
Divergences
Rappelons par ailleurs que le dossier de l’expansion du groupe figurait en priorité au menu du 15ème sommet qui s’est clôturé dans la soirée du jeudi 24 août. Mais, comme nous l’avions souligné dans un article précédent, les dirigeants du « Club des cinq »- qui produit un quart de la richesse mondiale et rassemble 42 % de la population du globe- étaient déchirés sur cette question. Les tractations ont eu lieu au cours de la session plénière à huis clos mercredi 23 août. Et des rencontres bilatérales se sont multipliées depuis l’ouverture du sommet, mardi 22 du mois en cours.
Ainsi, la Chine et la Russie sont plutôt favorables à l’intégration de nouveaux membres au groupe créé essentiellement d’une part, pour revendiquer un équilibre économique et politique mondial multipolaire; d’autre part, pour constituer un contrepoids à l’influence occidentale. Tandis que l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, moins enthousiastes à l’idée d’une expansion et d’une dilution de leur influence, s’opposent à tout élargissement « à la hâte ».
Plus réservés, Brasília et surtout New Delhi, autre locomotive économique du groupe qui se méfie des ambitions de son rival régional chinois, souhaitent l’accueil des nouveaux pays en tant que « membres observateurs ». Et ce, avant leur admission comme membres à part entière dans une deuxième étape.
Sachant que l’Inde a finalement apporté son soutien à l’élargissement du groupe des cinq. Puisque son Premier ministre Narendra Modi ayant affirmé, hier jeudi 24 août, que cette ouverture « donnera un nouvel élan à nos efforts communs » et « renforcera la croyance de nombreux pays en un ordre mondial multipolaire ».
Reste l’Afrique du Sud qui, de peur de voir diluer son influence, dit officiellement soutenir l’élargissement de la composition des BRICS à des pays « qui partagent le désir commun d’avoir un ordre mondial plus équilibré ». Mais, pour Pretoria, les cinq pays devront d’abord se mettre d’accord sur les critères que les nouveaux membres doivent respecter.
Injustice
Cela étant, l’Algérie a-t-elle pressenti que sa candidature allait être refusée? Probablement, puisque le président Abdelmadjid Tebboune avait décidé de ne pas participer au Sommet de Johannesburg, préférant y dépêcher son ministre des Finances.
Pourtant, avec le soutien affiché de Vladimir Poutine et Xi Jinping, lors de sa visite à Moscou en juin et à Pékin en juillet dernier, au locataire du palais d’Al Mouradia, la candidature de son pays était devenue une priorité absolue. N’a-t-il pas déclaré en décembre 2022 que « l’année 2023 sera couronnée par l’adhésion de l’Algérie aux BRICS » ?
De même, lors d’un récent entretien accordé à la presse algérienne, le chef de l’Etat a de nouveau évoqué l’éventuelle adhésion de l’Algérie. En indiquant que son pays « satisfaisait en grande partie les conditions économiques requises par le groupe ».
Ayant proposé, si sa candidature était retenue, une première contribution à hauteur de 1,5 milliard de dollars à la Banque de développement dont la création a été proposée par les Etats des BRICS comme alternative à la Banque mondiale existante et au Fonds monétaire international; et adossée à des réserves de change de 66 milliards de dollars. Avec un très faible endettement extérieur de 1,65 % du PIB et une valeur des exportations de plus de 60 milliards de dollars en 2022, l’Algérie vit sa mise sur la touche comme une grosse déception et une profonde injustice.
Toute la question est de savoir si c’était l’Algérie qui avait besoin des BRICS ou l’inverse?