En Tunisie, nous sommes habitués à traiter et à retraiter les mêmes sujets chaque année. Le problème n’est pas dans le débat en lui-même, mais en l’incapacité de trancher et à être pragmatique. Parmi ces thèmes phares, il y a la question de la transformation de La Poste Tunisienne en une banque.
Cette année, la Banque centrale de Tunisie est directement accusée, la considérant comme partie prenante d’un cartel qui bloque cette décision. Toutefois, les connaisseurs du système financier tunisien sont conscients que le contexte actuel n’est pas idéal pour un tel pas.
Mécontentement généralisé
Derrière cette pression, il y a un sentiment d’irritation d’une clientèle de banques commerciales qui considèrent que ces établissements les traitent comme des vaches à lait. Et ce, en surfacturant des services censés être basiques. Les frais de tenue de comptes sont également une autre source de mécontentement. Avec la hausse des taux qui rend l’accès aux crédits plus que compliqué et ceux qui ont contracté des prêts à la consommation ont vu leurs mensualités se gonfler. Ce sentiment amer est ravivé à chaque fois que les banques publient leurs chiffres, avec des bénéfices sur une courbe ascendante.
Pour leur part, les banques se défendent par le fait qu’elles sont en train d’investir massivement dans les systèmes d’information et dans les plateformes. Le e-banking n’est pas gratuit et cela est naturellement répercuté sur les frais payés par les clients.
Pour les consommateurs, la solution est d’imposer davantage de concurrence par un nouvel acteur puissant. Le meilleur candidat n’est autre que La Poste qui dispose d’une présence géographique unique sur le territoire et jouit d’un capital confiance unique.
La réalité n’est pas aussi belle
A notre avis, ce n’est qu’un récit théorique. La pratique est autre. Il suffit de revenir quelques mois en arrière pour constater que La Poste a bien révisé ses tarifs à la hausse, réduisant l’écart avec les banques. Pour améliorer sa profitabilité, cette action est légitime.
De plus, la transformation en une banque nécessite au moins une mise à jour de son système d’information. Qui va supporter les coûts? Certes, les clients. Il est probable que les tarifs demeurent compétitifs. Mais il ne faut jamais imaginer qu’ils resteront à leurs niveaux actuels. Il faut qu’ils couvrent une partie des charges bancaires d’exploitation, largement plus élevés que ceux postaux.
Et si La Poste octroie des crédits, ils seraient à quels taux? Est-ce qu’elle va octroyer des financements moins chers que ceux de la place? La réponse est claire car elle va recourir au refinancement de la BCT. Alors, elle va appliquer les mêmes taux qui dépendent du Taux Directeur.
Il faut donc rationaliser les attentes de ce grand projet de banque postale. L’Etat a une longue liste de sociétés publiques en difficulté et il n’a surtout pas envie d’en rajouter une.
Une proie potentielle aux entreprises publiques
Par ailleurs, nous pensons que le nouvel établissement de crédits avec une bonne assise financière servira, en partie, à donner une bouffée d’oxygène aux entreprises publiques en quête de financements. C’est une occasion en or pour réduire les risques des autres banques publiques et passer une partie du fardeau à La Poste. Vous pouvez imaginer sa situation dix ans plus tard.
Ainsi, l’intérêt national serait de garder La Poste loin de la sphère des banques, au moins pour les quelques années à venir. Si l’exécutif veut faire baisser les tarifs, il a déjà trois grands établissements de crédits qui peuvent jouer le jeu et être commercialement agressifs.
La réalité que la majorité des clients refuse de dire c’est que sans leurs banques, ils ne parviendraient pas à clôturer leurs fins de mois. A titre d’information, les comptes courants débiteurs auprès des banques tunisiennes, fin juin 2023, affichent un solde de – 8 816 MTND. C’est donc tout à fait normal que la facture soit salée.