A quelques jours du démarrage de l’année scolaire, l’escalade verbale entre la Fédération des enseignants de base et le ministère de tutelle ne fait que mettre du sel sur une plaie encore vivace. N’est-il pas temps de calmer les esprits par un geste élégant de la part de l’actuel ministre de l’Education pour cette rentrée?
Le ton est donné : la rentrée scolaire pour l’année 2023-2024 ne se déroulera pas « de façon normale ». C’est ce que vient d’annoncer le SG-adjoint de la Fédération générale de l’enseignement de base, Ikbel Azzabi. Et ce, en invoquant « les conditions de travail et l’attitude du ministère de l’Education » comme causes principales de la probable perturbation de la journée du 15 septembre, date du retour des élèves en classe.
Des perturbations en vue
« Nous vivons sous l’emprise d’un l’Etat de non-droit. Le ministre de l’Education croit que la rentrée se déroulera normalement, il parle déjà d’une rentrée scolaire réussie, mais il se trompe. Par quelle manière compte-t-il garantir sa réussite, en enfreignant la loi? En instaurant une injustice? La décision de lever le blocage des notes a été votée par la majorité des enseignants de base […] Nous continuerons à militer ». Ainsi s’exprimait le responsable syndical le 28 août 2023 lors de l’émission « Midi Show » sur les ondes de Mosaïque FM. Tout en précisant que les salaires de 23 000 enseignants ont été bloqués pour le mois de juillet. La majorité a été par la suite rémunérée, mais 4 000 enseignants ont été privés de leurs salaires pour ce même mois et privés même de la couverture sociale.
Concernant le limogeage de plus de 500 directeurs d’école, M. Azzabi a assuré que les données publiées par le ministère de l’Éducation étaient « erronées ». Affirmant à l’occasion que la Fédération boycottera les nominations provisoires des directeurs d’école.
« Esprit de vengeance »
Rappelons dans ce contexte que la Fédération a appelé samedi 26 août à boycotter le processus de nomination mené par le ministère de l’Education pour pourvoir les postes vacants à la tête des écoles primaires afin de remplacer les directeurs limogés.
La décision prise par le ministère de l’Education de recruter des directeurs provisoires pour remplacer ceux qui sont limogés auparavant, est « illégale », argue le secrétaire-adjoint de la Fédération. Car, « selon les normes fixées par une loi organique sectorielle, tout recrutement doit se faire en premier lieu dans les rangs des enseignants dans l’école concernée, puis, au niveau local et enfin régional. Or, le ministère a décidé d’autoriser les candidatures déposées par tout enseignant quelle que soit sa localisation géographique », dixit l’intéressé.
Et de conclure avec amertume : « L’approche du ministre de l’Education est motivée par un esprit de vengeance. Il ne fait que raviver les tensions et les conflits, son but étant de faire exploser les syndicats de l’intérieur ».
Fichtre, le réquisitoire est sévère et les ponts semblent coupés entre le syndicat de base et le ministère de tutelle.
Tensions
Ainsi, après une année scolaire agitée et éprouvante aussi bien pour les parents inquiets pour l’avenir de leurs progénitures que pour les élèves pris en otages, et à quelques jours de la date-clé de la rentrée scolaire, la tension est palpable entre la Fédération générale de l’enseignement de base et le ministre de l’Education, Mohamed Ali Boughdiri.
Faut-il rappeler à cet égard que l’ancien secrétaire général adjoint de l’UGTT chargé du secteur privé osa le 15 juillet 2023 prendre l’impensable décision de démettre 350 directeurs d’écoles primaires de leur fonction et de suspendre le salaire d’un mois de quelques 17 mille instituteurs coupables de rétention de notes des examens des élèves à l’administration.
Coup de tonnerre : la fermeté du ministre de l’Education, choisi par le président de la République en personne pour ses qualités d’ancien syndicaliste rompu aux négociations difficiles, s’est révélée payante. Ainsi, lâchée par la direction de la place Mohamed Ali, lasse de l’intransigeance de la Fédération des enseignants de base, cette dernière plia l’échine et décida le 23 juillet 2023, à la surprise générale de lever la décision de retenir les notes.
Le bras de fer entre l’intraitable ministre et la puissante Fédération se termine par un cuisant échec et mat. Mais, quelque soit le tort des uns et des autres, un Etat peut-il se glorifier d’humilier ainsi ceux qui ont la charge d’éduquer les futures générations?
D’ailleurs, s’invitant au débat, le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi, faisant sa première sortie publique après son admission à l’Hôpital militaire, demanda que le pouvoir en place « mette fin à la diabolisation des instituteurs ». Et ce, lors de la tenue dimanche dernier du congrès ordinaire de la Fédération générale des municipalités à Hammamet.
Le temps de l’apaisement
La balle est désormais dans le camp de M. Boughdiri qui, ayant croisé le fer avec ses anciens camarades, a remporté une victoire éclatante en restaurant l’image d’un Etat fort, capable d’appliquer les lois de la République.
Alors, ne serait-il pas digne d’un vainqueur de tendre la main à son adversaire, à terre? Cela requiert de la noblesse de l’âme et c’est, sans aucun doute, le seul moyen de calmer le jeu, d’apaiser les esprits et de mettre du baume sur des blessures encore vivaces.
« On se hasarde de perdre en voulant trop gagner », écrit Jean de La Fontaine. A méditer.