Montplaisir dans la tourmente suite à une séquence audio fuitée sur les réseaux sociaux relative à une supposée « discussion » entre la journaliste en exil Chahrazede Akacha et le président du mouvement Ennahdha par intérim, Mondher Ounissi. Une histoire abracadabrantesque.
Le mouvement islamiste Ennahdha encore une fois dans l’œil du cyclone. A quelques semaines de la tenue de son 11ème congrès prévu pour le mois d’octobre, Mondher Ounissi, président du mouvement par intérim a été arrêté dans la soirée de mardi 5 septembre 2023, puis conduit à la caserne de la Garde nationale de l’Aouina.
Nous venons également d’apprendre que le procureur de la République près le tribunal de première instance de Tunis a ordonné des investigations nécessaires pour éclaircir les circonstances d’un enregistrement audio attribué à l’actuel remplaçant de Rached Ghannouchi à la tête du mouvement, dont un segment a été publié dans la soirée du samedi 2 septembre 2023 par la page Facebook controversée « Sayeb Salah » et qui vient d’être fuité sur les réseaux sociaux.
Par ailleurs, selon des informations véhiculées par nos confrères de Mosaïque FM, les analyses nécessaires seront entreprises pour juger de l’authenticité de l’enregistrement; et ce avant de prendre les décisions judiciaires nécessaires à la lumière des résultats des recherches.
La genèse d’une sombre affaire
Mais de quoi s’agit-il au juste? L’affaire remonte au dimanche 3 septembre 2023 quand Chahrazed Akacha– rédactrice en chef d’un site d’information, poursuivie en justice pour avoir critiqué l’ancien ministre de l’Intérieur, Charefeddine et vivant depuis sa libération en exil- accusa M. Ounissi d’être de mèche avec le pouvoir en place dans le dessein de faire main basse sur le parti Ennahdha.
Toujours selon la journaliste en exil, le président du Conseil de la Choura, Abdelkarim Harouni, étant au parfum des manœuvres de Mondher Ounissi et il comptait l’écarter. Sauf qu’il a été entre temps assigné à résidence, sur ordre du ministre actuel de l’Intérieur.
« Au lendemain de la proclamation de l’état d’exception, le 25 juillet 2021, assurait Chahrazede Akacha, Mondher Ounissi était parmi les Nadhdhaouis qui poussaient le plus fortement à la confrontation avec Kaïs Saïed. Alors qu’en apparence, il voulait donner l’image d’un dirigeant conciliant, rationnel et responsable ». Pour preuve, « celui qui assure l’intérim au sein d’Ennahdha était l’un des plus fervents partisans de l’escalade avec le régime. Mais après l’incarcération de Ghannouchi, il s’est transformé en un fervent partisan de la réconciliation et du dialogue avec le pouvoir », toujours selon ses dires.
Et de poursuivre : « Il était prêt à conduire les militants nahdhaouis pour aller protester devant le parlement. Non parce qu’il est plus courageux que les autres, mais parce qu’il avait eu les assurances du pouvoir qu’il ne sera pas inquiété et qu’il sera son homme au cours de la prochaine période. »
Alors faut-il en conclure que l’actuel président du mouvement Ennahdha par intérim est un sous-main du pouvoir en place? « Contrairement aux idées reçues, le régime putschiste n’existe pas seulement au sein du gouvernement et du pouvoir, il est profondément infiltré dans l’opposition et en son cœur même », a-t-elle encore affirmé.
Et de pousser le bouchon encore plus loin : « Le régime a vidé totalement la scène au profit de Mondher Ounissi qui est devenu la seule personnalité en Tunisie capable de faire la politique sans risquer de comparaître devant des juges. Alors que des jeunes qui likent des postes sur Facebook sont arrêtés, Mondher Ounissi se promène d’une radio à une autre et fait entendre sa voix sans que personne ne ‘inquiète ». C’est ce qu’elle a encore argué.
Et d’avancer, implacable, « l’homme ne se soucie guère de la libération des prisonniers politiques, ni du changement de la scène politique dans le pays. Depuis quatre mois, il ne pense qu’à s’accaparer davantage de prérogatives au sein du bureau exécutif ainsi qu’au Conseil de la Choura du mouvement Ennahdha ».
« Un enregistrement truqué et sans fondement »
« Un enregistrement truqué et sans fondement». Telle était la virulente réaction de l’intéressé. Celui-ci publiant lundi 4 septembre en cours une vidéo où il affirme que les enregistrements sont « fabriqués ». Tout en assurant que la voix enregistrée dans l’enregistrement audio fuité n’est pas la sienne et accusant à l’occasion la journaliste d’avoir eu recours à l’intelligence artificielle pour monter les enregistrements.
Par ailleurs, il a affirmé qu’il va appeler le bureau exécutif du mouvement à engager des poursuites judiciaires contre la journaliste. « Cependant, c’est inutile. Tu as pris la fuite, tu es lâche et incapable d’affronter la vérité », s’est-il écrié.
« Tu cherches, également, à semer la zizanie entre le président de la République, la famille Jenayah et nous, mais tu n’arriveras pas à tes fins. La famille Jenayah a beaucoup donné à la Tunisie et nous respectons la personne du président de la République. Nous nous opposons à sa politique, mais nous n’avons rien contre sa personne ».
Deux versions contradictoires
Alors, qui croire? La journaliste Chahrazede Akacha qui avance avoir eu des échanges avec le président d’Ennahdha par intérim; et ce, dans le cadre d’une enquête journalistique au cours de laquelle elle collectait des témoignages pour un livre. Tout en affirmant ne pas être à l’origine des fuites des discussions? Où Mondher Ounissi qui nie totalement tout contact avec la journaliste et qui affirme que les enregistrements fuités ne sont qu’un vulgaire montage d’une séquence audio réalisée par une intelligence artificielle?
Une affaire à rebondissements dont seule la justice est à apte à dénouer les fils. Nous y reviendrons.