Au lendemain du violent tremblement de terre qui a frappé le Maroc, Rabat a accepté les aides humanitaires de la Grande-Bretagne, de l’Espagne, du Qatar et des Émirats arabes unis ; tout en rejetant celles de l’Algérie et de la France. Pourquoi ces pays et non d’autres ? Explications.
Que d’occasions perdues pour apaiser d’un cran les tensions entre les deux géants du Maghreb dont les relations diplomatiques sont rompues depuis août 2021 ! Est-ce pour rendre la monnaie de sa pièce à Alger qui aura refusé une aide proposée par le Maroc lors des incendies meurtriers de l’été 2021 que Rabat décline à son tour l’offre d’aide de l’Algérie voisine ?
La main tendue d’Alger
Pourtant, l’Algérie avait décidé – au lendemain du violent séisme qui a frappé le Maroc et dont le bilan provisoire passe à 2 901 morts et 5 530 blessés – d’ouvrir l’espace aérien aux vols pour le transport des aides humanitaires et des blessés. Elle a même montré sa disposition à fournir des aides humanitaires et à mobiliser tous les moyens matériels et humains « en solidarité avec le peuple marocain frère, en cas de demande du Royaume du Maroc ».
Mais c’était sans compter sur le refus obstiné des autorités marocaines, lesquelles ont fait savoir qu’elles rejetaient la proposition d’aide de l’Algérie qui proposait de participer aux opérations de secours.
Ainsi, le Maroc a informé l’Algérie qu’« après évaluation de la situation, le Royaume du Maroc n’avait pas besoin des aides humanitaires proposées par l’Algérie ». C’est ce qu’a annoncé mardi 12 septembre le ministère algérien des Affaires étrangères. Selon un communiqué officiel, l’Algérie « prend acte » de la réponse officielle du Maroc et « ne manquera pas d’en tirer les conclusions qui s’imposent ».
Pour rappel, les chaînes algériennes ont diffusé dans la soirée du lundi 11 septembre des images depuis la base aérienne de Boufarik au sud d’Alger où trois gros porteurs de l’armée se trouvaient sur le tarmac en position d’attente. Des images de pompiers algériens ainsi que de membres du Croissant-Rouge algérien prêts à s’envoler pour le Maroc ont également été diffusées. L’équipe de secours était composée de 93 agents spécialisés. Cent tonnes d’aides comprenant des tentes, des lits, des couvertures, des colis alimentaires, ainsi que des médicaments destinés aux opérations urgentes ont été embarqués dans l’un des trois avions.
Malheureusement, ces avions ne décolleront pas à destination de Marrakech, faute de feu vert marocain.
Coup de froid
D’autre part, il convient de rappeler que le Maroc a accepté l’aide de quatre pays, en l’occurrence l’Espagne, le Royaume-Uni, le Qatar et des Émirats arabes unis, mais pas celle de la France.
Un signe qui ne trompe pas de la dégradation de la relation entre la Métropole et son ancienne colonie ; alors que la diaspora marocaine est la deuxième plus importante en France, tandis que le Maroc est le pays qui compte le plus de lycées et d’institutions culturelles françaises sur son territoire.
Griefs
Mais que reproche le Maroc à l’ancienne puissance coloniale ? D’abord, Rabat reproche à la France de ne pas prendre davantage position sur le Sahara occidental. En réalité, pour ménager l’Algérie, dont il a besoin en termes énergétiques depuis le début de la guerre en Ukraine et en termes sécuritaires au Sahel, Paris joue un rôle d’équilibriste entre les deux pays du Maghreb. Une attitude ambivalente qui tranche avec celle des États-Unis qui ont reconnu officiellement en 2020 la marocanité du Sahara occidental. Ou l’Espagne dont le chef du gouvernement Pedro Sánchez a fini par soutenir publiquement, en mars 2022, le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, s’attirant ainsi les foudres d’Alger.
Deuxième source de conflit entre les deux capitales : l’affaire Pegasus, ce logiciel israélien qui aurait été acheté par l’Etat marocain et qui aurait permis d’espionner notamment le téléphone du président Macron en personne.
Enfin, l’émergence de la « la crise de visas » lorsque la France a décidé de diviser en 2022 par deux le nombre de visas accordés aux Marocains, officiellement pour inciter Rabat à contenir davantage l’immigration.
Géopolitique
Reste la question qui brûle les lèvres : le Maroc a-t-il les moyens de subvenir aux besoins des populations sinistrées pour se passer de l’aide étrangère à l’exception des pays cités ?
Pour les observateurs avertis, la sélection par le royaume marocain des aides humanitaires s’explique par des motifs d’ordre géopolitique. Ainsi, la Grande-Bretagne aura été « sélectionnée » eu égard à l’ancien traité diplomatique entre la reine Victoria et le sultan alaouite Moulay Abderrahmane qui remonte à 1856 ; l’Espagne pour son alignement sur la position marocaine au sujet du Sahara occidental. Enfin, le Qatar et les Émirats arabes unis pour leur poids financier.