L’Italie ne fait pas parler d’elle seulement pour la question migratoire ou la taxe sur les superprofits des banques. Rome compte se retirer de l’initiative chinoise en matière de commerce mondial et d’infrastructures, ouvrant la voie à de futures sorties.
L’Italie est le seul pays industrialisé du G7 à être signataire de l’initiative Belt & Road Initiative (BRI). Il s’agit d’une pièce maîtresse du programme de politique étrangère du président Xi Jinping, lancé il y a une dizaine d’années.
Casse-tête italien
Le gouvernement italien actuel estime que son adhésion à la BRI n’a pas suffisamment profité à son économie. Il a jusqu’au mois de décembre pour se retirer officiellement de l’initiative, faute de quoi son adhésion sera reconduite pour cinq années supplémentaires. C’est ce que Giorgia Meloni a déclaré, dimanche 10 septembre 2023, lors d’une conférence de presse organisée à l’occasion du sommet du Groupe des 20 en Inde.
En réalité, Rome subit des pressions pour revoir ses relations avec Pékin afin d’apaiser ses alliés occidentaux. L’Italie assumera la présidence tournante du G7 en 2024 et elle veut bien se débarrasser de ce dossier d’ici là. Washington est convaincu que si un tel retrait se concrétise sans dégâts, d’autres pays européens pourront penser à suivre le pas.
L’ambitieux projet chinois est un réseau complexe de liaisons d’infrastructures reliant la Chine à des pays d’Asie, d’Afrique, d’Europe et d’Amérique latine par le biais de chemins de fer, de pipelines et d’autoroutes.
Les déclarations italiennes interviennent après l’intention des Etats-Unis et l’Inde de lancer un projet de développement d’un réseau de voies ferrées et maritimes qui reliera l’Inde, l’Union européenne et les pays du Moyen-Orient, tels que la Jordanie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Les Américains ont présenté leur nouvelle initiative comme un moyen de contrer l’influence de la Chine dans le Moyen-Orient riche en énergie, mais aussi de concurrencer la BRI.
Investissement colossal
Grâce à ce corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe, les États-Unis et leurs partenaires ont l’intention de relier les deux continents à des centres commerciaux et de faciliter le développement et l’exportation d’énergies propres. Ils comptent poser des câbles sous-marins et relier les réseaux énergétiques et les lignes de télécommunication afin d’étendre l’accès fiable à l’électricité et à internet. L’Italie va donc évaluer ce projet qui pourrait s’avérer plus intéressant, surtout qu’il englobe ses principaux partenaires économiques.
De ce fait, le coût du corridor proposé devrait s’élever à 20 milliards de dollars pour la mise en place d’un réseau ferroviaire spécialisé, soutenu par un réseau de fibre optique de pointe et un oléoduc à hydrogène.
Dans un premier temps, le réseau ferroviaire existant entre les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et la Jordanie sera mis en service, avec la construction d’un réseau supplémentaire de 300 km reliant Amman au port de Haïfa en Israël. Les Émirats arabes unis, qui prévoient de tirer de ce projet de riches dividendes commerciaux, sont prêts à financer en priorité le tronçon restant. Le réseau permettra la circulation transparente des marchandises dans le cadre d’un document commercial unique et numérique, de règles de transport harmonisées et sera beaucoup moins coûteux sur le plan opérationnel que la route du canal de Suez. Et ce, compte tenu des frais élevés pour le remorquage des navires, les services de remorquage, le pilotage, les frais de transit, etc.
Implications géostratégiques
Les États-Unis et l’Union européenne considèrent ce projet comme un moyen d’accéder au marché de consommation en expansion de l’Inde et de contrebalancer l’influence croissante de la Chine dans la région.
En outre, Washington cherche à maintenir sa présence régionale en tant que force stabilisatrice en impliquant l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Israël et d’autres pays du Golfe. Cette démarche stratégique s’aligne sur les fameux accords d’Abraham et sur l’autre initiative plus large, à savoir I2U2 (Inde, Israël, États-Unis et Émirats arabes unis).
Pour la Tunisie, signataire de la BRI en 2018, la présence de l’Italie dans cette initiative est importante. Elle représente un point d’intersection entre son premier partenaire économique et la future première économie mondiale.
De plus, des liaisons plus étroites avec l’Inde et les autres pays de ce corridor pourraient inquiéter les exportateurs tunisiens qui devraient faire attention à cette concurrence qui vient en douceur. D’ici une décennie, si la Tunisie n’investit pas dans l’infrastructure et dans l’énergie verte, elle perdra une bonne partie de sa clientèle actuelle.
A bon entendeur.