C’est l’histoire unique d’un artiste peintre arrivé au Japon en 1977. A la tête de la société M&P Corporation, sa première entreprise de commerce international créée en 1981, Anouar Messelmani est parvenu à créer un conglomérat doté de trois divisions, dont la première est spécialisée dans l’importation et la distribution de produits agro-alimentaires, notamment de Tunisie. En 1996, il a fondé Hubnet Co.Ltd, société spécialisée dans le transport express d’études cliniques pharmaceutiques, d’œuvres d’art et surtout dans la logistique de composants électroniques. Une réussite qui lui a valu un hommage dans la prestigieuse revue Forbes. n visite dernièrement en Tunisie, nous l’avons rencontré. On reprend ici notre discussion qui s’inspire largement de l’article paru sur Forbes Japon.
D’abord le commencement
L’histoire démarre dès l’âge de 18 ans, à la fin de son cycle secondaire. Il avait alors obtenu le 1er Prix du concours de peinture de la ville de Sfax, sa ville natale et la 2ème ville de Tunisie. Ce prix, offert par le Lions Club de Sfax, lui a permis de passer deux semaines à Paris sous l’égide du Lions Club de la Place Vendôme. Et d’indiquer : « Chaque jour, les femmes des membres du club me faisaient visiter Versailles, le Louvre, le Palais de Tokyo, etc… et le soir, j’étais invité dans les meilleurs restaurants de Paris. Pour combler ma curiosité, j’ai pris congé de mes hôtes une journée pour visiter l’École des Beaux-arts et m’informer sur les formalités d’admission. Mais, dans mon
for intérieur, j’avais abandonné ce projet car le coût de la vie parisienne me semblait un obstacle et puis je sentais comme un relent de dédain de la part des Français qui ne me plaisait pas. J’ai décidé alors de m’inscrire à l’École des Beaux-arts de Tunis ».
Le 1er jour, à l’École des Beaux-arts de Tunis, après avoir obtenu sa carte d’inscription, son enthousiasme pour le travail s’était estompé lorsqu’il s’est rendu compte de l’ambiance d’un laisser-aller général. « Cela m’a mis mal à l’aise et m’a poussé à changer d’avis. Je me suis dit qu’ici n’était pas ma place. L’après-midi, j’ai pris un billet aller-simple en bateau pour Marseille. Une semaine après, j’étais admis à l’École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris (ENSBA). Ce tournant allait façonner le reste de ma vie. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai fait le tour des galeries pour obtenir une évaluation de mes toiles. La réponse fut décevante, car on me disait que j’étais trop jeune.
Retour à Tunis
Dites à vos enfants dans 50 ans de revenir nous voir, me lançait-on. Entretemps, que devais-je faire ? Vivre sous les ponts de Paris et connaître la pauvreté, comme tous les artistes ». Après une année de voyage en auto-stop, il a eu l’occasion de visiter les musées du monde entier. « Je suis retourné en Tunisie et j’ai pris un emploi de professeur d’art au lycée El-Omrane à Tunis. Mais la vie à Tunis était dure. J’étais découragé par le niveau si bas de mon salaire, insuffisant pour acquérir du matériel d’art.
En discutant un jour avec l’administration, on me conseilla de retourner à Paris étudier l’Urbanisme, car les enseignants de cette matière, en vogue à l’époque, manquaient. Ma rémunération aurait été conséquente et pouvait me garantir une vie meilleure. Je me suis alors inscrit en « Urbanisme » à la Sorbonne Paris VIII de Vincennes. Le soir, je travaillais auprès d’architectes ou de graphistes pour survivre. Un soir, quatre mois avant de terminer ma maîtrise, l’architecte qui m’employait m’annonça qu’une société de commerce japonaise recherchait un urbaniste parlant l’arabe. Celle-ci avait remporté un appel d’offres international pour un projet de développement urbain en Arabie saoudite. Je me suis immédiatement rendu à Djeddah, où j’ai obtenu un contrat de travail de deux ans ».
L’envol vers Tokyo : de l’artiste à l’homme d’affaires
Est c’est là que l’aventure commence. « Je me suis alors envolé à Tokyo, sans me soucier des conditions de travail ni de rémunération et me suis engagé dans ce projet (j’ai négocié avec les autorités saoudiennes à Riyad) en faisant régulièrement des allers-retours ». Il a alors acquis les codes et les coutumes commerciaux japonais. En effet, « les sociétés commerciales japonaises ont été pour moi une bonne école d’affaires. Il fallait apprendre les méthodes de gestion « Horenso » (informer, communiquer et consulter) par exemple et assister à l’accompagnement d’un projet, de la préparation de l’appel d’offres jusqu’à l’achèvement total du projet ». « Quand je réfléchis maintenant à mon périple, je me dis : je n’aurais jamais pensé à créer une entreprise si je n’avais pas travaillé pour une société japonaise ».
Renouvellement du contrat
En effet, son contrat a donc été renouvelé pour deux ans et ses amis saoudiens commençaient à lui demander de les aider à se procurer des produits « Made in Japan », encore bon marché à l’époque, compte tenu de la parité du yen.
L’idée des produits « Made in Japan » a été déterminante pour la création en 1981 d’une société commerciale à Tokyo, jusqu’à l’actuelle M&P Corporation. Le concept fut fort simple : « J’avais décidé de me tourner vers les produits que les Shosha (grandes sociétés commerciales) japonaises ne traitaient pas. Avec deux employés dans un petit bureau dans le quartier de Shibuya, ma première société a vu le jour. Elle était 100% exportatrice de produits de grande consommation pour les grandes surfaces qui commençaient à s’établir à Djeddah et partiellement à Riyad. En 1984, quand Apple Computer lance le Macintosh de première génération, nous nous sommes lancés dans la vente des premiers PC pour l’Arabie saoudite, au prix de l’époque, soit environ 1M de yens l’unité, chose inimaginable de nos jours ».
La suite de l’histoire est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n°877 du 13 au 27 septembre 2023