La question de la migration irrégulière interpelle toujours. Cela fait des mois que les habitants de la région de Lampedusa lancent des cris d’effroi face à la vague migratoire qui ne cesse de s’accroître. Il en va de même pour les gouvernements et les médias européens.
Elyes Kasri, ancien ambassadeur et analyste politique, analyse la situation de la migration. Il déclare : « Certains en imputent la responsabilité à la Tunisie qui est le dernier point de transit des migrants subsahariens. En mettant en exergue le rôle des passeurs tunisiens, comme s’ils étaient à l’origine de cette déferlante migratoire ».
Ainsi, estime-t-il, le problème émane plutôt des pays d’origine dans la région du Sahel africain. Lesquels n’ont pas su offrir à leurs citoyens suffisamment de raisons et d’espoirs pour rester chez eux.
Il précise dans ce contexte : « Il ne faut pas négliger la responsabilité des principaux pays de transit, à savoir l’Algérie et la Libye. Ceux-ci qui ferment les yeux sur le passage sur plus de 1 000 km sur leur territoire de milliers de Subsahariens. Ces derniers se faufilent à travers les frontières de la Tunisie. Le pays n’ayant certainement pas les moyens de les refouler ou de les garder sur son sol. Surtout par ces temps de crise, de chômage et de pénuries chroniques. L’Europe devra assumer sa responsabilité historique des séquelles de la colonisation de l’Afrique, d’une mauvaise politique d’aide au développement dans l’Afrique sahélienne. Mais aussi de la déstabilisation de la Libye qui, loin des droits de l’Homme et de la démocratie, avait des objectifs sordides. Avec un leadership du gouvernement Sarkozy qui devra rendre des comptes sinon devant la justice internationale, du moins devant l’histoire ».
Le problème de la migration n’incombe pas à la responsabilité de la Tunisie
Car tant que les responsabilités ne seront pas déterminées avec objectivité et sérénité, « la vague migratoire se transformera en tsunami irrésistible et préjudiciable pour tous les pays concernés », poursuit M. Kasri.
Il ajoute : « Il n’est pas question de faire assumer à la Tunisie, qui a été parmi les principales victimes de la déstabilisation de la Libye et continuera pendant de nombreuses années à en payer le prix sécuritaire et économique, une quelconque responsabilité dans ce déferlement migratoire; avec ses conséquences sociales, économiques, politiques et sécuritaires sur l’Europe. Le dialogue devra mettre l’accent sur les pays d’origine de ces migrants et les pays frontaliers de l’Afrique sahélienne et principaux points de transit à savoir la Libye et l’Algérie ».
Et de conclure : « En dépit des amabilités diplomatiques ou des impressions plus ou moins fondées, la Tunisie n’a ni la volonté ni les moyens d’être un point de regroupement ou un centre de détention des candidats à la migration, ni sur le chemin de l’Europe, ni en cas de refoulement. Toute impression contraire n’est que pure illusion ou au mieux un marché de dupes ».