Signe qui ne trompe pas, la circulation au centre-ville a repris de plus belle. Après deux mois de vacances et un pays qui tourne au ralenti, la reprise commence petit à petit. On parle de la rentrée. La rentrée des classes qui nous concerne tous, mais aussi de la rentrée économique avec un budget 2023 complémentaire qu’on doit absolument finaliser, histoire de limiter la casse et de faire face à la crise financière, à l’inflation et à la pénurie qui touche de plus en plus de matières essentielles. Il y a aussi la rentrée politique qui s’annonce, somme toute, assez chaude, avec à la clé des élections régionales début décembre et, éventuellement, présidentielles fin 2024. Des élections qui devront asseoir un processus politique entamé depuis juillet 2021.
Autant de sujets sur lesquels on va s’arrêter. En attendant une annonce des concernés, notamment du gouvernement, qui a choisi de ne pas communiquer, on s’est adressé à Faouzi Charfi, secrétaire général du parti Al Massar, premier chirurgien de sa fonction et président du syndicat des médecins de libre exercice. Selon notre interlocuteur, la rentrée s’annonce ardue. La crise économique y est pour quelque chose. Une crise dont l’impact social est à craindre. Il y a la perspective que « tout le monde est contre tout le monde ».
Tension sociale, friction avec les syndicats de l’enseignement, crise économique, bref, une scène politique tendue. Le secrétaire général du parti Al Massar qui ne fut pas moins président du syndicat des médecins de libre exercice , Faouzi Charfi, ne cache pas ses appréhensions quant à une rentrée qui s’annonce chaude.
Après une année scolaire 2022-2023 assez chaotique, pensez-vous que celle de 2023-2024 sera meilleure ?
Je ne pense pas que l’actuelle rentrée sera meilleure. On traine toujours les mêmes problèmes. Je crains même qu’ils vont s’accentuer, notamment à cause de la crise financière que connait le pays. A cela, s’ajoute la contestation syndicale, principalement celle de l’enseignement de base, qui n’a pas été tout à fait réglée avec la fin de l’année scolaire précédente. Aujourd’hui, certains enseignants n’ont pas encore été payés, des directeurs d’école ont été limogés et pas remplacés. La tension est, donc, encore vive entre le ministère et les enseignants du primaire. Même l’accord trouvé avec le syndicat du secondaire est un peu suspect, il est plus politique que syndical, ce qui laisse planer des doutes sur son efficacité.
Tout cela pour dire que je doute fort que la rentrée sera saine. Il faut dire aussi qu’on n’a pas cessé de reporter les réformes nécessaires à entreprendre. Des réformes de fond dont on perçoit désormais de plus en plus l’urgence. Je fais partie, à ce propos, de ceux qui pensent qu’on ne peut pas sortir de la crise économique, sociale… sans une vraie réforme de l’enseignement en Tunisie.
Le président de la République avait annoncé une consultation pour la réforme de l’éducation et de l’enseignement supérieur en Tunisie. J’espère que cette fois-ci sera la bonne et que cela ne se passera pas comme pour la Constitution.
Pour une vraie réforme de l’enseignement, c’est bien de faire participer les citoyens, mais c’est insuffisant. Il y a les corps intermédiaires, comme les syndicats, les conseils scientifiques et autres qui doivent avoir leur mot à dire. Il faut un consensus. Or, à ma connaissance, ce n’est pas le cas. J’ai comme l’impression qu’il y a une politique délibérée d’exclure tous les corps représentatifs.
Avec un budget 2023 qu’on n’arrive pas à boucler et une crise économique et financière assez grave, la rentrée économique, comme celle scolaire, s’annonce difficile aussi.
Absolument. Ce sera une rentrée économique très tendue. Nous sommes à la mi-septembre et on ne sait encore rien sur le budget complémentaire 2023. Personne ne sait comment on va payera nos dettes. Entre-temps, nous avons refusé les négociations avec le FMI.
Tout comme pour l’éducation, nous re- portons depuis des années les réformes économiques nécessaires à faire. L’idée, aujourd’hui, est qu’il faut compter sur soi. Certes, oui, mais jusque-là, il y a le discours, et il y a les faits. Dans les faits, on ne voit rien de concret.
On ne cesse de nous dire que les caisses de l’Etat vont être renflouées par l’argent spolié. Sauf que rien n’a été fait. Et je pense même que rien ne sera fait. La preuve, la commission créée à cet effet n’a récolté jusqu’à ce jour que cinq millions de dinars. C’est très insuffisant.
C’est vrai qu’il y a eu une augmentation au niveau des rentrées fiscales, mais comme d’habitude, cela ne concerne que ceux qui sont dans la légalité. Le secteur parallèle, qui représente plus de 50% de l’économie, est toujours exempté. A ce propos, avec la pénurie qui persiste, je crains même qu’avec la rentrée, il y aura une expansion du marché parallèle. La nature a horreur du vide et on a vu comment les produits qui manquent se vendaient dans le marché noir.
Conséquence : le pouvoir d’achat des Tunisiens va chuter, il y aura appauvrissement de la population et donc, tension sociale.
Extrait de l’interview du Mag de l’Economiste Maghrébin n 877 du 13 au 27 septembre 2023
Par M.A.B.R