C’est avec une mine sombre et une tonalité inquiète que le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a ouvert mardi 19 septembre le débat annuel de l’Assemblée générale.
Dans son intervention devant l’assemblée de l’ONU, il a notamment déclaré : « Face aux tensions géopolitiques qui s’accentuent et aux défis mondiaux qui se multiplient, nous semblons incapables de nous rassembler pour répondre ». Il a mis en garde contre les risques croissants du changement climatique. Tout en avertissant contre la « grande fracture » qui mine les systèmes économiques et financiers ainsi que les relations commerciales.
Sur un autre plan, António Guterres a estimé nécessaire de « renouveler les institutions multilatérales sur la base des réalités économiques et politiques du XXIe siècle », et en premier lieu « la réforme du Conseil de sécurité de l’ONUen fonction du monde d’aujourd’hui ». Il a conclu son intervention par un appel pressant au G20 en faveur d’un « compromis mondial ».
Prenant la parole peu de temps après, le président américain Joseph Biden a encore une fois démontré que le « compromis mondial » désiré par la quasi-totalité des pays est le dernier souci des Etats-Unis. Selon le site américain antiwar.com, « le président Biden a prononcé mardi à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York un discours révélant l’hypocrisie américaine sur la guerre en Ukraine et sur d’autres questions. »
La version américaine de la guerre d’Ukraine que tout le monde connait et que Biden a mâché et remâché encore une fois, n’a pas étonné l’auditoire présent dans l’enceinte onusienne à New York. En revanche, ce qui a énormément étonné, ce sont ses propos sur le contrôle des armements. Sans ambages, le chef de la Maison Blanche a accusé Moscou de « détruire les accords de contrôle des armements de longue date ». Il s’est attaqué avec virulence à la Russie pour avoir « suspendu sa participation à New START », le dernier traité de contrôle des armements nucléaires entre les Etats-Unis et la Russie.
L’hypocrisie atteint des sommets ici quand on sait que Biden a mis en sourdine le fait que les Etats-Unis se sont retirés unilatéralement de plusieurs traités de contrôle des armements dans les années qui ont précédé la guerre d’Ukraine.
Rappelons à cet égard qu’en 2019, l’administration Trump s’est retirée du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, qui interdisait les missiles à courte et moyenne portée lancés depuis le sol; en 2020, les Etats-Unis ont quitté Open Skies, un traité qui permettait aux Etats-Unis, à la Russie et à d’autres signataires d’effectuer des vols de surveillance non armés au-dessus du territoire de chacun; en 2002, l’administration de George W. Bush s’est retirée du Traité sur les systèmes de missiles antibalistiques etc.
La rhétorique de Biden sur la guerre d’Ukraine, même si elle n’a étonné personne, n’a pas manqué non plus de mensonge et d’hypocrisie. Il a accusé la Russie de mener « une guerre de conquête illégale et sans provocation contre son voisin, l’Ukraine ». Selon lui, « la Russie porte seule la responsabilité de cette guerre. La Russie seule a le pouvoir de mettre fin immédiatement à cette guerre. Et c’est la Russie seule qui fait obstacle à la paix ».
Pour l’avoir dit et redit dans ces mêmes colonnes, il est inutile de rappeler les vérités connues de tous. Inutile de revenir à l’encerclement continu de la Russie par l’OTAN; au coup d’état financé par Washington en février 2014 contre le pouvoir légitime ukrainien; aux massacres huit ans durant des habitants du Donbass dont l’unique crime est de vouloir parler le Russe, leur langue maternelle; aux accords de Minsk dont l’objet, côté occidental, est de faire gagner du temps à l’Ukraine pour se préparer à la guerre; à l’accord conclu à Istanbul, un mois après le début de la guerre entre Russes et Ukrainiens et qui a avorté suite à l’intervention américano-britannique; aux exhortations de l’administration de Joseph Biden et du gouvernement de Boris Johnson aux Ukrainiens de poursuivre la guerre plutôt que de chercher la paix etc…
Les responsables occidentaux en général et Joseph Biden en particulier ne cessent de donner des leçons au monde sur l’intangibilité des frontières; que celles-ci ne peuvent pas changer par la force en vertu du droit international; qu’il est dangereux, illégal et immoral d’accepter un accord de paix qui impliquerait que l’Ukraine cède un territoire à la Russie etc.
Il est opportun de rappeler ici que du temps où il était sénateur, le président Biden était un fervent partisan du bombardement de la Yougoslavie par l’OTAN en 1999, qui a provoqué l’éclatement en morceaux du pays fondé par Tito, ainsi que la séparation du Kosovo du territoire serbe. Jusqu’à ce jour, le Kosovo n’est pas reconnu par une grande partie du monde, y compris par les Serbes de souche vivant à l’intérieur des frontières du Kosovo. Mais pour Washington, la situation est normale et son soutien au Kosovo ne peut pas être remis en question…
Enfin, il est bon de rappeler aussi que Biden, ce défenseur acharné de l’intégrité territoriale et de la liberté de l’Ukraine, avait mené la charge au Sénat avant l’invasion de l’Irak en 2003 pour assurer le soutien des démocrates à la guerre d’agression basée sur le mensonge. Le même Biden avait proposé en 2006 la division de l’Irak en trois régions sur la base des appartenances ethniques et religieuses. Un plan qu’il a conçu et défendu avec l’aide de l’un de ses collaborateurs au Sénat, un certain Antony Blinken… Et que dire de l’occupation israélienne au mépris des résolutions des Nations Unies.