Dans une interview accordée mercredi 20 septembre à la chaîne d’information américaine Fox News, le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohamed Ben Salmane, révèle que le royaume et Israël se « rapprochent » d’une normalisation de leurs relations. Tout en avertissant que son pays se doterait de l’arme nucléaire si l’Iran faisait de même.
« Nous pensons qu’une relation entre des pays de la région et le régime sioniste serait un coup de poignard dans le dos du peuple palestinien et de la résistance palestinienne ». Telle était la réaction immédiate et virulente du président iranien Ebrahim Raïssi aux dernières déclarations du prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salmane. Et ce, sur l’éventualité d’une normalisation des relations entre l’Arabie saoudite, poids lourd sur l’échiquier moyen-oriental, et l’Etat hébreu.
L’Arabie saoudite qui n’a pas officiellement reconnu Israël depuis sa création en 1948, rejoindrait-il ainsi Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Maroc et le Soudan? Lesquels avaient eux aussi normalisé leurs relations avec l’Etat hébreu dans le cadre des Accords d’Abraham, signés en 2020 sous le patronage de la précédente administration américaine de Donald Trump.
Normalisation imminente
En marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, et alors que le président américain s’entretenait avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, donnait le 20 septembre 2023 une interview fracassante à la chaîne d’information américaine Fox News. Il révèle ouvertement, ce qui n’est plus un secret de Polichinelle, l’avancée de négociations avec Israël en vue d’une normalisation des relations entre les deux pays.
Ainsi, Ryad et Tel-Aviv se « rapprochent tous les jours » d’une normalisation de leurs relations », affirmait le prince héritier, quand il a été interrogé pour savoir si l’Arabie saoudite était proche de conclure un accord de normalisation avec Israël. Tout en qualifiant ces pourparlers de « bons » et « continus ».
Ainsi, interviewé par un des présentateurs vedettes de la chaîne ultraconservatrice américaine sur plusieurs sujets allant de la politique pétrolière saoudienne aux droits humains en passant par les relations saoudo-américaines et le dossier du nucléaire iranien, MBS affirma cependant que « le sujet des Palestiniens est très important pour nous et que nous devons résoudre cette partie. Nous espérons que les négociations aboutiront à un résultat qui facilitera la vie des Palestiniens et qui permettra à Israël de jouer un rôle au Moyen-Orient ». Une manière d’amadouer l’opinion publique saoudienne majoritairement sensible au peuple palestinien.
L’arme nucléaire, le sujet tabou
D’autre part, réagissant à la perspective que l’Iran se dote de l’arme nucléaire, le dirigeant de facto du royaume a averti lors de cet entretien réalisé en Arabie saoudite, que son pays serait « contraint », dans cette hypothèse, de suivre la même voie.
« Nous nous préoccupons du fait qu’un pays puisse se doter d’une arme nucléaire. C’est une mauvaise chose », a-t-il argué. Ajoutant qu’ « ils (les Iraniens) n’ont pas besoin de se doter d’une arme nucléaire parce qu’ils ne peuvent pas l’utiliser. Cela reviendrait à déclencher une guerre avec le reste du monde ». Mais, a-t-il averti, « s’ils en obtiennent une, on devra en avoir une nous aussi ».
Une manière pour l’Arabie saoudite, premier exportateur de pétrole brut au monde et plus grande économie arabe, de mettre la pression sur Washington. Et ce, afin d’obtenir un programme nucléaire civil comprenant l’enrichissement de l’uranium.
A noter que Téhéran dément vouloir obtenir l’arme nucléaire. Mais ses stocks d’uranium enrichi ont dépassé les niveaux autorisés par l’accord de 2015 sur le nucléaire, conclu sous Barack Obama et dont s’était retiré l’ancien président Donald Trump.
Réactions
Simultanément à New York, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou se félicita du rapprochement israélo-saoudien. Emettant l’espoir, en s’adressant à Joe Biden, « que sous votre houlette, Monsieur le Président, nous pouvons forger un accord de paix historique entre Israël et l’Arabie saoudite ».
Pour sa part, le président iranien, Ebrahim Raïssi, qui a donné une rare conférence de presse mercredi soir dans un hôtel en face du siège de l’ONU, a mis en garde les Etats-Unis, Israël et l’Arabie saoudite.
« Initier une relation entre le régime sioniste et n’importe quel régime de la région dans le but d’apporter la sécurité à ce régime sioniste ne remplira évidemment pas cet objectif », a-t-il averti.
Pourtant, l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite, puissances rivales historiques du Golfe, ont amorcé elles aussi une normalisation surprise au printemps, sous l’égide de la Chine.
Notons enfin que pour les Etats-Unis qui courtisent MBS pour arracher un accord de paix entre Saoudiens et Israéliens, un tel accord serait considéré pour l’actuel locataire de la Maison Blanche comme une réalisation majeure de sa politique étrangère. Ainsi qu’un précieux succès diplomatique qu’il pourra commercialiser auprès des électeurs, à l’approche de l’élection présidentielle dans un peu plus d’un an.
Réussir un rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël aurait un « effet puissant sur la stabilisation de la région, sur l’intégration de la région, sur le fait de rassembler les peuples, a estimé mercredi dernier le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, dans une interview avec la chaîne ABC.
Que dire enfin de la démarche saoudienne controversée? N’est-il pas légitime de penser que le futur axe israélo-saoudien, qui se fait sur le dos des Palestiniens, est plutôt dirigé contre l’Iran? Et que la monarchie saoudienne cherche à se doter à son tour, à moyen ou à long terme, de l’arme nucléaire? Et ce, à l’aide justement de la technologie israélienne pour réaliser l’équilibre de la terreur avec son rand rival chiite.