On a tendance à oublier que Djerba a déjà un rapport avec l’universel, lorsque Homère, au second millénaire avant J.-C. l’a immortalisé dans l’Odyssée dans l’épopée grecque d’Ulysse. Il l’appela alors “l’île des lotophages”, collant à ses habitants l’étiquette de “mangeurs de Lotos”, un fruit “ doux comme le miel qui plonge tous ceux qui en dégustent dans les délices d’un bien heureux oubli qui efface tous les soucis de l’existence”.
En termes modernes, Djerba agit sur le mental et les psychismes humains comme un antidépresseur qui évacue le stress, la pression, et surtout comme une délicieuse boisson enivrante. Les millions de touristes qui ont connu ses magnifiques plages ne peuvent que confirmer cette vérité. Mais c’est uniquement en ce mois de septembre de l’année 2023 après J.-C. que l’île à qui les Romains ont donné le nom de Ghriba, dans un décret datant de 254 J.-C., qu’elle a eu le droit à une reconnaissance officielle et mondiale par le biais de l’Unesco, qui est une organisation de l’ONU. Après un long combat qui date de plus de trois décennies, à la majorité des voix, la Tunisie a pu imposer “l’inscription du patrimoine de l’île sur la liste du patrimoine mondial”.
Eric Falt, responsable de l’Unesco pour le Maghreb, a déclaré à un journal français : ”Un témoignage exceptionnel d’un schéma de peuplement unique et d’une adaptation humaine remarquable, à travers les siècles, aux contraintes d’un environnement marqué par la sécheresse, la rareté de l’eau et de nombreuses menaces venues de la mer”.
Le patrimoine et non l’île
C’est donc bien une partie du patrimoine de l’île composée d’une liste de monuments de quelques zones bien définies qui furent inscrits sur la liste de l’Unesco. Contrairement à ce qu’a laissé entendre le communiqué du ministère tunisien de la Culture juste après le vote au sein du comité d’organisation. C’est une différence de taille et les répercussions si toute l’île a été retenue sont énormes. Les médias tunisiens pour la plupart ont claironné que “l’île de Djerba a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial”, ce qui est évidemment faux, et la plupart se sont contentés du communiqué du ministère qui a laissé planer le flou sciemment. C’est le communiqué de l’Unesco même qui a publié la liste et les zones qui a fini par corriger ce grand malentendu.
C’est donc bien une partie du patrimoine de l’île composée d’une liste de monuments de quelques zones bien définies qui furent inscrits sur la liste de l’Unesco.
La Tunisie depuis 1997 n’a pas cessé de présenter la candidature de Djerba. Mais l’amateurisme des différents responsables chargés de ce dossier jusqu’à une date récente n’a fait que le bloquer davantage. Comme l’idée d’inscrire toute l’île, ce qui ferait de chaque bâtisse, de chaque villa ou habitation “un patrimoine mondial”, ce qui est absurde et dénote un amateurisme certain. Cela aurait signifié aussi que pour démolir le mur d’un bâtiment ou opérer des changements dans l’occupation de l’espace, il aurait fallu demander l’autorisation de l’Institut du patrimoine !
Or l’île a été, ces dernières années, ravagée par des constructions et des habitations qui sont une insulte au patrimoine de l’île même. Que signifie dès lors inscrire toute l’île sur le patrimoine mondial de l’humanité ?
Le communiqué de l’Unesco a toutefois gratifié l’île d’un hommage exceptionnel et surtout ses habitants à travers l’histoire, pour leur ingéniosité à faire d’une région au climat désertique une grande oasis, sans qu’il y ait des sources souterraines d’eau douce, comme les oasis dans le désert. Ils ont créé un système pour conserver et récupérer l’eau de pluie et un autre pour récupérer l’eau à fort degré de salinité qu’ils utilisent pour certains palmiers, céréales, grenades, etc. Cette ingéniosité se manifeste aussi dans les systèmes d’irrigation des terres et de partage de l’eau selon une réglementation rigoureuse qui a permis d’éviter les conflits et de les résoudre.