La mise en examen en France du président de la Commission de la désignation des arbitres dans le championnat tunisien, Hichem Guirat, dans une affaire glauque de match truqué, jette une lumière crue sur les paris sportifs en ligne. Un business en pleine croissance qui suscite de plus en plus d’inquiétudes.
Coup de tonnerre dans le milieu sportif en Tunisie. Hichem Guirat, 62 ans, ancien arbitre international et président de la Commission de la désignation des arbitres dans le championnat tunisien au sein de la Fédération tunisienne de football (FTF), vient d’être mis en examen en France dans une affaire de match de foot truqué.
A noter que la FTF s’est murée dans un silence assourdissant comme si elle n’était pas directement concernée par ce scandale. D’ailleurs, son inamovible président, Wadii Jerri, a été interdit en février dernier de voyage pour une autre affaire. Et ce, suite à une plainte déposée à son encontre par le président du Croissant sportif chebbien, Taoufik Mkacher, pour des soupçons de corruption financière et administrative. Avant que le Pôle judiciaire financier lève l’interdiction de voyage en mai 2023.
Ainsi, l’un des hauts dirigeants de l’arbitrage tunisien est accusé de « complicité d’escroquerie en bande organisée », « d’association de malfaiteurs » et de « corruption active des acteurs d’une manifestation sportive ».
Match truqué
Il est soupçonné par un juge d’instruction de Nice d’avoir participé à l’organisation d’un match truqué dans le championnat de 1ère division tunisienne disputé le 7 avril 2019 entre l‘US Ben Guerdane et l’ES Métlaoui.
Cette rencontre s’était soldée par une victoire de l’équipe de Ben Guerdane (1-0) grâce à un penalty accordé à la 54ème minute de jeu. A savoir que ce match avait donné lieu à des prises de paris « anormalement élevés » dans la région niçoise. Ce qui avait mis la puce à l’oreille des enquêteurs de la Française des Jeux (FDJ). Ces derniers procédaient à l’arrestation du patron de l’arbitrage tunisien alors qu’il se trouvait à Nice avec sa famille. Il a été entendu comme prévenu dans l’affaire, puis il a été libéré, tout en restant à la disposition des autorités judiciaires françaises. A l’issue de sa mise en examen, le 21 septembre 2023, l’ancien arbitre international a été placé sous contrôle judiciaire.
Selon le média français en ligne à l’origine de ces révélations, la Française des Jeux (FDJ) avait enregistré près de 33 000 euros de mises à Nice et Cagnes-sur-Mer sur la victoire de l’équipe de Ben Guerdane. Un témoin-clé se serait manifesté récemment auprès du magistrat-instructeur en charge de ce dossier pour dénoncer l’ex-arbitre international.
Une enquête préliminaire avait été ouverte à la suite du signalement de la FDJ et trois personnes, dont le neveu de Hichem Guirat, avaient déjà été mises en examen pour « escroquerie en bande organisée » le 14 septembre. Elles sont soupçonnées d’avoir été informées à l’avance de la victoire de Ben Guerdane et d’être à l’origine de paris frauduleux.
Un marché en pleine expansion
Faut-il rappeler à cet égard que les paris sportifs en ligne ont connu une croissance exponentielle dans le monde au cours des dernières années. En effet, les plateformes de paris en ligne offrent une gamme étendue de sports sur lesquels parier, allant du football au tennis en passant par le basket-ball et le rugby. Les parieurs peuvent même placer des mises depuis le confort de leur domicile ou même en déplacement grâce aux applications mobiles.
Cependant, avec la montée en puissance des paris en ligne est également venue une menace grandissante : les matchs truqués issus d’une collusion entre des joueurs, des entraîneurs ou des arbitres peu scrupuleux. Ces intervenants peuvent influencer les performances des équipes ou des joueurs, modifier le cours des matchs et ainsi s’assurer des gains importants en pariant sur des résultats préalablement arrangés.
Argent sale
De plus, il faut souligner que ce secteur en croissance constante, offre une multitude de possibilités pour les parieurs et les tricheurs. Les criminels peuvent créer de faux comptes pour parier de l’argent sale, puis retirer les gains légitimes, transformant ainsi des fonds criminels en argent propre. En outre, les plateformes de jeu en ligne peuvent être utilisées pour transférer de l’argent d’un compte à l’autre, brouillant ainsi les pistes de l’origine des fonds issus des activités criminelles telles que le blanchiment d’argent, le trafic de drogue, ou encore le terrorisme et la corruption.
Rappelons enfin que le football est certainement le sport le plus touché par ce nouveau phénomène. Populaire, mondialisé à l’excès et gérant un flux d’argent colossal, le sport-roi concentre deux tiers des paris partout dans le monde.