A vis à tous les intéressés : le radar routier est de retour. Délaissé, hors d’usage ces dernières années, l’idée de rallumer le flash est de nouveau de mise. Les chauffards sont prévenus, désormais en Tunisie, une épée de Damoclès est au-dessus de la tête de toute personne osant dépasser les limites. Les limites de vitesse, cela va sans dire. Il faut dire, aussi, qu’il fallait passer par là, au moins pour limiter la casse.
Espérons, toutefois, qu’on ne s’arrêtera pas en si bon chemin puisqu’il semble totalement urgent
d’amener tout le monde à lever le pied pour éviter les carambolages en série de la Nation et les sorties de route intempestives dont nous avons désormais pris l’habitude. Les péripéties de l’affaire de complot contre l’Etat en disent long sur les écarts de conduite et la capacité à régler la circulation dans la dérive nationale où la démagogie est devenue une vertu cardinale. Nos responsables n’hésitent même plus à sortir pour appeler au dénigrement de toute une frange de la société, aussi fautive qu’elle soit, et qu’on accuse désormais de tous les maux de la Tunisie, parfois même de la terre. On a beau se prévaloir de la démocratie, chasser le naturel, il revient au galop.
On oublie que si on en est là, c’est quelque part la responsabilité de tous et les gesticulations ne
peuvent guère faire ignorer les responsabilités de l’Etat dans le délabrement de la Nation. C’est vrai
que la période passée, la décennie noire comme on l’appelle, fut une période de déroute, de sortie de route que personne n’arrive plus à contenir. Encore plus à stabiliser les dérapages financiers qui nous valent aujourd’hui les endettements les plus problématiques. Sauf que s’arrêter là, c’est dire seulement une partie de la vérité. Il faut aussi dire que ceux qui sont aux manettes ne peuvent pas, ou ne savent pas, comment inverser la tendance. Personne ou presque ne veut dire les choses qui peuvent fâcher, mais qui sont nécessaires, vitales. Par exemple qu’en dehors d’un consensus national, il n’y a point de salut.
Entre-temps, on nous propose de serrer la ceinture. De limiter le déficit budgétaire en limitant les
importations des produits de première nécessité. Mais est-ce suffisant ? La dévaluation annoncée
de la monnaie nationale est un épiphénomène qui renvoie à beaucoup d’autres et il n’y a pas d’exemple de famille qui vive éternellement au rouge dans ses comptes en banque. C’est le cas, surtout si les banques en question broient du noir depuis qu’on les accuse de mettre au vert des fossoyeurs de garanties. Avec des banques non sécurisées, une politique d’austérité non annoncée et une hausse de la pression fiscale non affichée, l’Etat a choisi, encore une fois, de pressurer ceux qui travaillent, pignon sur rue, pour avoir quelques moyens de survie. Encore faut-il qu’il y ait du travail pour ponctionner dessus. Le chômage est partout, alors même que le pays continue à produire des diplômés, parfois de haute tenue, pour les céder par la suite à d’autres pays sou-
cieux de leur développement.
C’est comme si, pour revenir à notre code de la route, on demandait au conducteur, conduit à payer
une amende, de sourire avant d’être flashé et aux passagers, passagèrement sonnés par l’inflation,
de se serrer encore la ceinture, histoire d’être bien cadrés dans l’image. L’image d’un pays qui cherche encore sa route dans le black-out total. Il faut dire qu’à quelque chose malheur est bon. Dans le noir, un flash, ne serait-ce que pour une centième de seconde, ça peut nous éclairer pour retrouver la route du salut.
Pour le salut, le chemin est encore long. Mais rien ne presse, il ne faut surtout pas faire vite… Le radar est de retour.