L’arrestation de la présidente du PDL, Abir Moussi, pendant 48 heures sans possibilité d’être entendue par le procureur dès le début de l’affaire et sans la présence de ses avocats en dit long sur ce qui se passe dans le paysage politique. Quelle lecture peut-on en faire ? Nous avons contacté deux femmes de la société civile pour nous livrer leur analyse de la situation actuelle.
Sana Ghenima, présidente de Femmes et Leadership, estime que l’arrestation d’Abir Moussi s’inscrit dans la continuité de toutes les intimidations en cours, visant à réduire au silence les opposants en général. Que l’on soit d’accord ou non, le système actuel semble museler tout le monde, sur le plan politique, mais aussi dans les intimidations subies par les hommes d’affaires, les syndicalistes, les médias, et ce, pas seulement au niveau des activistes politiques. Le fait de priver les gens de leur liberté d’expression ou de faire de l’arrestation la norme plutôt que de recourir à un procès peut être interprété comme une répression ou un muselage de toute voix discordante.
Elle ajoute : « D’ailleurs, récemment, il y a eu l’arrestation de chefs d’entreprise opérant dans le secteur de l’huile et de la graisse végétale, sans aucune explication ni annonce. Il en va de même pour deux autres qui sont actuellement en prison, et deux autres sont interdits de voyage, sans que l’on sache quelles sont les accusations portées contre eux. L’objectif semble être d’intimider le patronat. Aujourd’hui, cette arrestation abusive d’une femme politique non seulement porte atteinte à l’exercice politique, mais aussi à l’État de droit. Abir Moussi n’est pas là pour créer des troubles, mais elle a suivi une procédure légale en déposant des documents pour contester certaines procédures. C’est un exemple flagrant d’abus, mais en tant qu’activistes de la société civile, nous ne resterons pas les bras croisés face au silence ou à l’intimidation. Nous sommes en train de nous concerter pour élaborer un plan d’action ».
Elle conclut : « Comme nous l’avons déjà dit, l’objectif semble être de viser tout le monde. Toute personne exprimant un point de vue contraire à celui du pouvoir exécutif risque d’être appréhendée. Ce n’est pas seulement un ciblage général, c’est une atteinte claire à l’État de droit, avec des personnes emprisonnées depuis 7 mois ».
Ayda Ben Chaabane, militante de la société civile, souligne : « L’arrestation, soi-disant liée à la perturbation de l’ordre public en Tunisie, est hors contexte, mais il faut rappeler que des citoyens lambda peuvent déposer une plainte auprès du bureau d’ordre de la présidence de la République. Or, la question qui se pose est : pourquoi lui a-t-on interdit de déposer sa demande qui, rappelons-le, est légitime ? À mon avis, ce qui s’est passé relève d’une sorte d’intimidation pour l’empêcher de travailler. Ce qui ne doit en aucun cas être toléré. Personnellement, je la soutiens en tant que femme politique, mais aussi en tant que citoyenne tunisienne. Ce qui a été fait à l’encontre d’Abir Moussi aura l’effet contraire de ce qu’ils pensaient accomplir ».
Elle soulève également un autre point : « Lorsque l’on empêche une femme de déposer une plainte pour contester les élections de districts, on sent que c’est une manœuvre politique plutôt que pénale. J’exige sa libération, tout comme j’appelle au retrait de l’article 54 ou à sa modification, et cela ne devrait en aucun cas être une menace suspendue au-dessus de la tête de qui que ce soit ».
L’arrestation de la présidente du PDL, sans possibilité de consultation avec un procureur et en l’absence de ses avocats, suscite des inquiétudes quant à l’état du processus démocratique avec des observations selon lesquelles le système actuel semble museler toute voix discordante. Les défenseurs des droits civiques réclament la libération d’Abir Moussi et dénoncent une répression généralisée qui menace l’État de droit et restreint la liberté d’expression dans le pays.