La junte militaire, qui a pris en juillet dernier le pouvoir au Niger et renversé le président Mohamed Bazoum, vient d’accepter la médiation algérienne pour sortir de la crise politique. Un succès pour la diplomatie algérienne. Mais un camouflet pour la France, l’ex-puissance coloniale qui a annoncé le retour à Paris de son ambassadeur et le retrait de ses 1 500 soldats déployés au Niger dans la lutte anti-djihadiste « d’ici la fin de l’année ».
« Quand un pays voisin traverse une tempête, qu’elle soit politique ou économique, cela signifie toujours que, d’une manière ou d’une autre, l’Algérie va être impactée ». C’est ce qu’a déclaré un diplomate algérien sous couvert de l’anonymat ». Tout en ajoutant que « le Maroc, le Mali, la Libye, la Tunisie et maintenant, le Niger, cela commence à faire beaucoup ».
En effet, le cas du Niger, l’un des pays les plus pauvres du monde bien que riche en ressources naturelles minières (or, charbon, pétrole, uranium…) suscite depuis un moment beaucoup d’inquiétude en Algérie. Cette dernière partageant quelque 1000 km de frontières avec son voisin du Sud. Et pour cause.
Le double niet d’Alger
Le 26 juillet 2023, une junte militaire a pris le pouvoir au Niger et renversé le président Mohamed Bazoum. En suscitant l’inquiétude d’un certain nombre d’acteurs internationaux comme la CEDEAO, la Communauté ouest-africaine qui menaçait d’intervenir militairement pour « la restauration totale de l’ordre constitutionnel ».
Sachant que l’Algérie, tout en condamnant fermement le coup d’Etat au Niger, était résolument hostile à toute intervention armée dans ce pays du Sahel. Ainsi, le chef de l’Etat algérien Abdelmadjid Tebboune avait fait savoir dès le 6 août qu’il refusait « catégoriquement toute intervention militaire » extérieure au Niger qui représenterait, selon lui, « une menace directe pour l’Algérie ».
« Une intervention au Niger aura des conséquences naturellement désastreuses non seulement sur le Niger mais aussi sur tous les pays de la région », renchérit le numéro deux de sa diplomatie algérienne, Lounès Magramane. Celui-ci a appelé à privilégier « la négociation au lieu de bruits de bottes ».
Niamey revient à la raison
Bonne nouvelle : plus de deux mois après le coup d’Etat au Niger, les putschistes ont accepté la main tendue de l’Algérie pour une médiation; et ce, afin de sortir de la crise politique. Dans le même temps, l’ancien président Mohamed Bazoum renversé par le coup d’Etat du 26 juillet et séquestré depuis dans sa résidence présidentielle avec sa femme et son fils, a déposé plainte contre les auteurs du coup d’Etat. Ses avocats ayant annoncé la saisine du conseil des droits de l’Homme de l’ONU. Cette plainte vise le général Abdourahamane Tiani, chef de la junte militaire pour « attentat et complot contre l’autorité de l’Etat, crimes et délits commis par les fonctionnaires et arrestations et séquestrations arbitraires ».
« Le gouvernement algérien a reçu par le canal du ministère nigérien des Affaires étrangères une acceptation de la médiation algérienne visant à promouvoir une solution politique à la crise du Niger ». C’est ce qu’a indiqué, lundi 2 octobre, le ministère algérien des Affaires étrangères dans un communiqué officiel. Dans la foulée, le chef de l’Etat algérien, Abdelmadjid Tebboune, a chargé le chef de la diplomatie, Ahmed Attaf, « de se rendre à Niamey dans les plus brefs délais pour y entamer des discussions avec toutes les parties prenantes », selon la même source.
Quel était le contenu du plan de la méditation proposé par Alger et finalement accepté par Niamey? Dès la fin août, Alger proposait des discussions politiques « pendant six mois au maximum avec la participation et l’approbation de toutes les parties au Niger sans exclusion ». Et ce, sous la tutelle d’une « autorité civile dirigée par une personnalité consensuelle et acceptée par tous les bords de la classe politique », afin de conduire au « rétablissement de l’ordre constitutionnel dans le pays ».
Tension grandissante entre Paris et Niamey
D’autre part, à l’issue d’un bras de fer de deux mois avec le régime militaire nigérien, la France a fini par annoncer dimanche dernier le retour à Paris de son ambassadeur et le retrait des troupes françaises « d’ici la fin de l’année ».
Ainsi, Emmanuel Macron a annoncé que les 1 500 soldats français déployés au Niger dans la lutte anti-djihadiste quitteront le pays d’ici à la fin de l’année. La France met ainsi fin à « sa coopération militaire avec les autorités de fait du Niger. Car elles ne veulent plus lutter contre le terrorisme », a affirmé dimanche 1er octobre le locataire du palais de l’Elysée.
Effet de dominos? Les Etats-Unis, qui disposent de 1 100 soldats au Niger, ont indiqué de leur côté évaluer leurs options quant à un éventuel retrait. La semaine dernière, l’Allemagne avait prévenu que sa centaine de soldats déployés au Niger pourrait également se retirer si la France choisissait cette option.
Rappelons au final que les relations entre le Niger et la France, son ancienne puissance coloniale, se sont fortement dégradées depuis le coup d’Etat du 26 juillet. C’est aussi le troisième pays sahélien qui demande le retrait des troupes françaises en moins de deux ans après le Mali et le Burkina Faso, également dirigés par des militaires arrivés au pouvoir par des putschs.