Le positionnement de la Russie vis-à-vis des violences éclatées en Palestine pourrait lui permettre de consolider ses relations dans une région dans laquelle elle est supposée avoir des alliances et intérêts clés.
Moscou n’a pas ouvertement condamné les violences infligées à Israël le week-end du 7 octobre 2023 par le Hamas, soutenu par son allié l’Iran. En même temps, elle n’a pas voulu s’aliéner ses partenaires israéliens en appelant toutes les parties à renoncer à la violence, à faire preuve de retenue et à mettre en œuvre un cessez-le-feu.
La Russie pourrait tirer profit de cette agitation à plusieurs égards. Elle pourrait ainsi détourner l’attention de sa propre guerre en Ukraine, exporter du pétrole et jouer un rôle de médiateur entre les différentes parties de la région. Néanmoins, elle pourrait aussi facilement être entraînée dans un conflit plus vaste qui l’obligerait à choisir un camp et verrait son influence, ses intérêts et ses atouts mis à mal au Moyen-Orient.
Politiquement, elle bénéficiera d’un conflit localisé et prolongé et limité à Gaza. Plus il s’étend à d’autres fronts, plus il deviendra problématique. Il pourrait s’agir d’une opportunité, mais aussi d’un résultat désastreux pour son influence au Moyen-Orient si les affrontements échappaient à tout contrôle.
Comment la guerre pourrait-elle aider la Russie ?
L’une des façons les plus évidentes dont cette guerre aide la Russie est qu’elle détourne et dilue l’attention de l’Occident sur l’Ukraine. D’une certaine manière, le moment ne pourrait pas être mieux choisi car le soutien de l’opinion publique à la poursuite du financement de l’Ukraine et sa patience, face à une guerre qui dure depuis 19 mois, sont en train de diminuer.
Si les combats se prolongent, les questions sur la capacité des États-Unis à fournir un soutien militaire simultané à l’Ukraine et à Israël se poseront de plus en plus.
Avant même le déclenchement des affrontements, certains signes indiquaient que le financement actuel et futur de l’Ukraine pourrait être compromis, en particulier après que le Congrès américain a adopté un projet de loi de financement provisoire qui suspendait l’aide supplémentaire à l’Ukraine pendant 45 jours.
La Russie, grand producteur de pétrole, pourrait également bénéficier d’une hausse des prix du pétrole dans le contexte de l’instabilité au Moyen-Orient, étant donné que le conflit est susceptible d’entraîner les territoires voisins. Une telle trajectoire aidera Moscou à soutenir ses réserves.
Carte diplomatique
La Russie est l’un des rares pays à entretenir de bonnes relations aussi bien avec Israël qu’avec les autres acteurs majeurs du Moyen-Orient. Elle pourrait utiliser ses relations pour jouer un rôle de médiateur entre des rivaux acharnés tels qu’Israël et l’Iran.
Ainsi, la guerre entre Israël et le Hamas offre également à la Russie l’occasion de montrer qu’elle a une force de frappe diplomatique. Ils se sont déjà engagés avec le Liban à empêcher un débordement du conflit et l’ouverture d’un second front. Ils ont discuté avec la Turquie sur la question des civils palestiniens, et avec l’Égypte sur un cessez-le-feu. Cela montre donc que la Russie n’est pas isolée au Moyen-Orient et qu’elle maintient le même éventail de partenariats diplomatiques qu’avant la guerre.
Comment les choses pourraient mal tourner ?
Si les efforts diplomatiques échouent au Moyen-Orient et qu’il semble y avoir peu d’espace pour la négociation pendant cette phase critique, il y a de fortes chances que la violence s’étende à l’ensemble de la région. Cela pourrait constituer un défi de taille pour la Russie, un pays qui a des intérêts directs en Syrie, en Irak et en Iran, en particulier sur le plan militaire.
La Russie possède des bases militaires en Syrie et les services de renseignement occidentaux suggèrent fortement qu’elle s’est tournée vers l’Iran pour obtenir des armes destinées à l’Ukraine, bien que Moscou et Téhéran le nient. Si l’un de ces pays s’engage dans la guerre, Moscou sera directement accusée de fournir de la logistique, et ses actions en Ukraine seront mises davantage sous la loupe.
Les enjeux de cette guerre dépassent donc le seul intérêt palestinien. Les États-Unis sont bien conscients de ces enjeux et il se peut qu’ils orientent les événements dans un sens ou dans un autre. Un match à distance à suivre.