Pour des pays souffrant d’un besoin criant de financement comme la Tunisie, les envois de fonds des travailleurs résidents à l’étranger représentent une bouée de sauvetage, surtout en temps de crise.
Leur comportement contracyclique et leur résilience face à la crise du Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne ont largement permis de soulager la balance des paiements. Avec les recettes touristiques, ces envois ont permis à la Tunisie, en septembre dernier, d’honorer ses engagements sur la dette extérieure. Malgré ce rôle vital, cette manne financière semble ne pas être bien exploitée, comme tant d’autres opportunités malheureusement. Malgré l’accélération des rythmes de migration régulière et irrégulière observée ces dernières années, plusieurs obstacles risquent d’entraver l’accroissement des envois de fonds dans l’avenir.
Les coûts de transferts sont considérés comme une entrave majeure qui pousse les expatriés à choisir des voies informelles pour acheminer leurs envois. Ces coûts dépassent 8,7% du montant envoyé, d’après une étude de la Banque mondiale. La complexité des procédures administratives, la corruption et le népotisme poussent aussi la diaspora à réfléchir longtemps avant d’investir dans le pays natal.
Selon une enquête de l’INS, le taux des migrants déclarant avoir un projet en Tunisie ne dépasse pas les 10%. Au-delà de ces obstacles financiers et administratifs, la transformation du profil des migrants qu’on observe ces derniers temps peut quant à elle complètement renverser la donne.
La migration familiale et la migration pour les études sont les formes qui croissent le plus rapidement, d’après l’enquête nationale sur l’immigration Tunisia-HIMS 2020-2021. Le départ des jeunes pour poursuivre leurs études en comptant s’y installer définitivement et l’exil de familles entières, sèmeraient le doute sur le maintien du même rythme des transferts de fonds au niveau de la balance des paiements. Car cette nouvelle donne finira par opérer des transformations profondes dans les comportements de placements de la diaspora.
Ce gilet de sauvetage, qui a réussi à maintes reprises à éloigner le spectre du défaut, risque à terme de perdre sa résilience. L’urgence est de mettre en place une stratégie national ale pour valoriser au mieux cette source incontournable de devises, avant qu’il ne soit trop tard.
Par Lamia Jaidane-Mazigh
Cet article est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n879 du 11 au 25 octobre 2023