La question du découpage territorial suscite plusieurs interrogations entre autres, mais aussi l’impact qu’il peut y avoir après les élections locales du 24 décembre 2023. Sami Jallouli Juriste senior, politologue et consultant en image politique dresse un état des lieux de la situation politique et économique du pays notamment sur la question de l’indépendance de la BCT qui s’est invitée récemment au débat. Interview:
Que pensez-vous du nouveau découpage territorial?
Sami Jallouli: Le nouveau découpage est inutile. Il n’a aucun sens. Nous avons 24 gouvernorats plus ou moins équilibrés sur plusieurs plans. Au lieu d’accorder plus de pouvoirs à l’administration régionale pour soulager la pression, la libérer de sa dépendance bureaucratique à l’égard de l’autorité centrale, nous cherchons à créer un nouveau système qui va au-delà, et même contredit, le système administratif adopté il y a plus d’un demi-siècle.
Je vois que la décision de découpage est une décision arbitraire et infondée, qui s’avérera être un échec lamentable dans le temps. Même les arguments du pouvoir sont fragiles et peu convaincants.
-Est-ce que le timing est adéquat?
Il me semble que la question est beaucoup plus profonde. Ce n’est pas une simple question de timing.
Cependant, à supposer que nous ayons réellement besoin d’un nouveau découpage du pays basé sur des données économiques ou administratives convaincantes, cela représentera une charge financière, administrative et logistique dans un pays confronté à des problèmes complexes et de grande envergure sur le plan socio-économique.
Comme expliqué, ce découpage n’a aucun intérêt économique. Il est politiquement incorrect.
-Quel est son impact après la tenue des élections du 24 décembre, selon vous?
Pour être honnête, quels que soient les résultats, ce découpage sera maintenu. Mais, une question très importante qu’il faut se poser : sera-t-il maintenu après les élections présidentielles de 2024 ?
Si le président actuel échoue aux prochaines élections, je pense qu’il est très probable que ce découpage sera annulé par son successeur, car il n’est pas utile à tous les égards.
-Sur un autre volet économique, la question de l’indépendance de la Banque centrale de Tunisie (BCT) s’est de nouveau invitée dans le débat, qu’en pensez-vous?
Selon l’article 7 de la loi n° 2016-35 du 25 avril 2016 portant statut de la Banque Centrale de Tunisie, la BCT assure la stabilité des prix, contribue à la stabilité financière de manière à soutenir la politique économique de l’Etat en termes de croissance et d’emploi…
En terme général, grâce à l’indépendance financière, institutionnelle et personnelle, l’indépendance fonctionnelle de toute institution est garantie dans la pratique. Certes la Banque centrale de Tunisie a des objectifs bien précis. Ces objectifs recoupent ceux de l’État en général. Ils ne semblent pas indépendants, mais plutôt complémentaires à la politique économique générale de l’État. Il n’y a donc pas d’indépendance pour la banque, et c’est ce qui doit être décidé politiquement. Le législateur est clair sur cette question, il n’a octroyé à la BCT qu’une indépendance très limitée.
-Faut-il ou non revoir son indépendance ?
Il est difficile d’accorder l’indépendance à la Banque centrale dans un pays dont l’économie est faible et fragile et en l’absence des institutions de contrôle indépendantes et neutres. En fait, dans les circonstances actuelles, il est très difficile de trancher sur cette question.