Sans avoir consulté les Vingt-Sept en amont, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, vient de prononcer, lors de son récent déplacement à Tel-Aviv, des propos jugés, même par ses collègues à Bruxelles, « ouvertement pro-israéliens ». Pour corriger le tir, une réunion extraordinaire des dirigeants des 27 Etats membres aura lieu ce mardi 17 octobre. Et ce, « pour définir une position commune et une ligne d’action claire et unifiée » de l’UE. Mais, le mal est fait.
Ursula von der Leyen exprimait-elle sa sensibilité personnelle ou parlait-elle au nom de l’instance européenne lors de son récent déplacement controversé à Tel-Aviv? Toujours est-il que le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, avait du mal à cacher sa jubilation. Et ce, quand la présidente de la Commission européenne clama que l’Europe se tenait « aux côtés d’Israël ». Affirmant qu’il a le « droit » et même le « devoir » de se défendre face aux « atrocités commises par le Hamas ».
Elle semble oublier délibérément de rappeler qu’à l’heure où elle se prononçait, 2 215 morts sont recensés à Gaza, dont 724 enfants. Alors que les avions de chasse israéliens bombardent la bande de Gaza, ciblant les habitations, mais aussi les hôpitaux. A l’heure où les forces de l’occupation se préparent à une meurtrière incursion terrestre dans l’enclave palestinienne et où plus d’un million de Palestiniens sont en train de fuir vers le sud.
Plus royaliste que le roi
« C’est l’attaque la plus abominable contre des Juifs depuis la Shoah. Nous devons appeler par leur nom les atrocités commises par le Hamas. C’est du terrorisme. C’est un acte de guerre et le Hamas est seul responsable de ce qui se passe », poursuivait la présidente de la Commission européenne.
Et en prévention des représailles israéliennes qui s’annoncent sanglantes, Von der Leyen s’empressa de rappeler à qui veut bien l’entendre que la réaction d’Israël montrera qu’il s’agit « d’une démocratie ». Infâme!
Visiblement pour se rattraper de son alignement total sur la position de l’Etat hébreu, elle annonça le « triplement de l’aide humanitaire » pour la population de Gaza; après s’être entretenue avec le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. L’enveloppe passant de 27,9 à 75 millions d’euros.
Alors, la responsable européenne, eu égard à son origine allemande, chargée de culpabilité vis-à-vis des atrocités commises par les nazis contre les juifs, était-elle portée par l’émotion? Dans tous les cas de figure, et de l’avis général, elle aura outrepassé son mandat. D’ailleurs, les Etats membres de l’Union européenne l’ont sèchement recadrée.
La présidente de la Commission européenne depuis 2019 « devait faire une claire distinction entre le Hamas et le peuple palestinien ». Ainsi confie un diplomate européen sous le couvert de l’anonymat ». Mais « elle a préféré assumer une ligne personnelle pro-israélienne, qui correspond davantage à sa sensibilité allemande ». Sachant que « la politique étrangère ne fait pas partie de son portefeuille », ajoute la même source.
Réactions « plus équilibrées »
Réaction courroucée de la part du haut-représentant de l’UE Josep Borrell. En effet, celui-ci a souligné, à partir de la Chine, que les déclarations de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen « n’engageaient que sa propre personne ».
Et ce, d’autant plus qu’à l’issue d’une réunion informelle tenue le 9 octobre avec les ministres des Affaires étrangères de l’UE, Josep Borrell, le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, fixait clairement la ligne à suivre. A savoir, « la condamnation de l’attaque terroriste, la condamnation de toute attaque contre des civils, la libération des otages, la protection des civils et le respect du droit humanitaire international ». En clair, l’instance européenne s’oppose au blocage de l’eau, de la nourriture ou de l’électricité pour la population civile de Gaza et prône l’ouverture de couloirs humanitaires pour aider les civils qui fuient le bombardement de Gaza.
Pour sa part, le président du Conseil européen, Charles Michel, a obtenu une déclaration « plus équilibrée » des États membres. Laquelle précise que « l’Union européenne condamne dans les termes les plus fermes possibles le Hamas et ses attaques terroristes brutales et aveugles contre Israël et déplore profondément les pertes de vies humaines ». En parallèle, « nous réaffirmons l’importance de la fourniture d’une aide humanitaire d’urgence et sommes prêts à continuer de soutenir les civils qui en ont le plus besoin à Gaza ».
Et de conclure : « Nous restons attachés à une paix durable et fondée sur la solution à deux Etats grâce à des efforts redynamisés dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient. Nous soulignons la nécessité d’un large dialogue avec les autorités palestiniennes légitimes ainsi qu’avec les partenaires régionaux et internationaux qui pourraient avoir un rôle positif à jouer pour empêcher une nouvelle escalade ».
Divergences
En vérité, la cacophonie observée au sommet des instances de l’Union européenne reflète les divergences des 27 Etats membres sur l’épineux dossier du conflit israélo-palestinien. Si la Hongrie de Viktor Orban et l’Allemagne, de par son histoire particulière avec la question juive, penchaient du côté d’Israël, la France et l’Espagne recherchent plutôt un délicat équilibre entre la « sécurité » de l’Etat hébreu et la nécessité d’un Etat palestinien même à terme. D’où la difficulté de se mettre en diapason sur une ligne médiane qui satisfasse deux aspirations manifestement inconciliables.