En annonçant sa décision de démissionner du parti Afak Tounes qu’il présidait depuis décembre 2020, Fadhel Abdelkefi donne l’impression de jeter l’éponge, mettant ainsi un terme à sa carrière politique. Et s’il caressait d’autres ambitions en retrouvant sa liberté pour s’envoler plus haut? L’avenir nous le dira.
Désertion, fuite en avant, absence de résilience, sortie par la petite porte, etc. La démission surprise et inattendue de l’ex président d’Afak Tounes, Fadhel Abdelkefi, au moment où tous les regards sont tournés vers les massacres perpétués par les forces d’occupation israéliennes à Gaza, aura surpris plus d’un, même au sein de sa famille politique.
Prendre le large
Selon ses détracteurs, et alors que plusieurs leaders politiques croupissent derrière les barreaux à la prison de la Mornaguia, poursuivis pour complot contre la sûreté de l’Etat, il aurait jeté l’éponge pour ne pas subir le même sort. Mais ceux qui le connaissent bien savent que cet homme qui n’a jamais fui le combat, s’est retiré momentanément du paysage politique pour reprendre sa liberté vers le grand large. Afin d’accomplir un destin national? Le pari semble fort risqué, mais au jeu de poker ça passe ou ça casse!
« Le temps passé à la tête du parti a été riche d’expériences et de défis politiques dans une période très délicate ». C’est ce que déclarait l’ancien ministre des Finances, en annonçant la semaine dernière sa démission du parti qu’il présidait depuis décembre 2020.
Et Fadhel Abdelkefi de poursuivre sur un ton énigmatique : « Les temps difficiles et exceptionnels que traverse notre pays aujourd’hui, à la fois au niveau social, politique et économique, ainsi que sur la scène internationale, dans un monde en constante évolution et complexe sur le plan géopolitique, m’ont amené à réfléchir plus profondément à l’efficacité de nos actions partisanes dans leur forme traditionnelle et à leur impact sur l’espace public ».
De quelles « actions partisanes » parle-t-il? Evoque-t-il l’activisme politique qui ne mène désormais nulle part en Tunisie? Alors que sous d’autres cieux, il demeure la seule forme alternative au système de corps intermédiaires dans une démocratie moderne?
Et de poursuivre tout aussi énigmatique : « Les exigences de cette étape, ses nécessités et ses évolutions vont au-delà de l’activité politique habituelle au sein du parti et exigent de nous tous, en tant qu’individus et organisations, de réfléchir aux risques qui menacent le pays et de nous rassembler autour de la Tunisie, quelles que soient nos positions, pour sauver le pays et réaliser les aspirations des Tunisiens ».
Candidat naturel?
En lisant entre les lignes, nous avons la vague impression que le politicien démissionnaire aurait décidé de se retirer de la vie politique au nom de l’union nationale. Et ce, « pour sauver le pays et réaliser les aspirations des Tunisiens ». C’est mal connaitre l’homme.
Car comme l’affirme l’adage cartésien, la nature a horreur du vide. Alors, n’est-il pas tentant de spéculer que le chef du parti démissionnaire ait procédé à un recul tactique? Et ce, pour œuvrer à fédérer sous sa bannière les partis politiques de droite modérée et moderniste, en tenant à l’écart ceux qui adhèrent à l’islam politique. Et pourquoi pas les destouriens de Abir Moussi, actuellement en prison?
Alors, pourquoi ne pas se présenter en tant que « candidat naturel » dans la perspective de la prochaine élection présidentielle de 2024. A condition, bien entendu qu’il réussisse à convaincre les destouriens de Abir Moussi, les partisans de Ghazi Chaouachi, d’Issam Chebbi ou encore d’autres conservateurs bon teint, probablement hors-circuit, d’adhérer à un front commun en vue de se positionner lors du prochain scrutin présidentiel face au président actuel crédité par les sondages d’environ 70 % des intentions de vote? Mission herculéenne eu égard à l’égo surdimensionné de nos hommes politiques.
En-a-t-il l’étoffe?
En a-t-il la carrure et surtout les moyens? Souvenez-vous que l’intéressé a prouvé ses talents incontestables de chef d’entreprise et de ministre de la Coopération, du développement et des Finances. De plus, il est l’un des rares à posséder une vision pour l’avenir. Mais, paradoxalement, il est perçu par la majorité de ses compatriotes comme un libéral qui prône des solutions social-libérales, « d’un simple trait de plume », à l’étouffante crise éco-financière dans laquelle notre pays est engluée.
Il en a l’étoffe. A condition toutefois qu’il mette les mains dans le cambouis, en allant vers les petites gens dans cette Tunisie de derrière les blayek, pour les convaincre qu’il est le seul à détenir les solutions magiques à leur détresse quotidienne.