Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Marouan Abassi, a appelé, mercredi 1er novembre 2023, à adopter un changement radical du système administratif tunisien entravant les investissements dans le pays.
Intervenant lors d’une journée parlementaire sur la BCT, tenue à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Abassi a recommandé aux parlementaires d’accélérer l’approbation des projets de loi qui seront soumis par le gouvernement, notamment le code des changes, la loi sur l’inclusion financière et la loi sur l’investissement, estimant que ces textes juridiques sont à même de changer radicalement la réalité de l’investissement et de libérer l’initiative dans le pays.
Il a appelé également à identifier des solutions pour surmonter les problématiques économiques, critiquant un certain nombre d’experts qui se contentent de présenter un diagnostic de la situation économique sans proposer des solutions ou des mécanismes à même d’aider à s’en sortir. La journée parlementaire se tient à un moment où l’indépendance de la BCT est sujet à polémique et des appels à la révision du statut de l’institut d’émission se sont multipliés en vue de lui permettre de financer directement l’Etat, sans recourir aux banques commerciales. « Il est important de restaurer la confiance dans l’État, et la confiance dans l’économie nationale, tout en apportant un changement profond et radical dans l’administration tunisienne », a-t-il noté, réitérant l’impératif de libérer l’initiative et l’investissement.
Et d’ajouter que « la Tunisie peut réaliser des performances économiques, étant donné qu’elle dispose de grandes opportunités pour réussir sa relance économique ». Abassi a aussi fait état, à cette occasion, de la chute de la valeur des obligations tunisiennes de 130%, en 2010, à environ 60% actuellement, ce qui reflète, d’après lui, les craintes des investisseurs et des bailleurs de fonds étrangers de l’économie tunisienne, et le manque de visibilité politique et économique. Il a noté également la chute du taux d’investissement de 24 à 16% et du taux d’épargne de 21,3 à 8,7%, durant la période 2010-2023, outre la baisse de la production et des exportations de phosphate, malgré l’énorme potentiel du secteur minier du pays.
Un double déficit
Il a aussi pointé du doigt l’aggravation des déficits commercial et budgétaire, ce qui a affecté les taux d’inflation et de change du dinar. Abassi a fortement critiqué le retard accusé dans la réalisation des projets d’énergies renouvelables, notamment ceux relatifs à la production d’électricité à partir d’énergie renouvelable, soulignant la difficulté de réaliser l’objectif de 30% de renouvelable à l’horizon 2030. Pour lui, il aurait été possible de produire l’électricité à bas prix ne dépassant pas 70 millimes/kilowatt, alors que la Tunisie l’importe actuellement à 400 millimes/kilowatt.
Le gouverneur a défendu la politique monétaire visant à maîtriser l’inflation. Il fait remarquer que l’augmentation du taux directeur engendrant une hausse des taux d’intérêt sur le marché monétaire avait notamment pour objectif de contenir les tensions inflationnistes qui auraient atteint des niveaux de loin plus élevés, si cette mesure n’avait pas été prise.
Il a considéré que le l’augmentation du taux directeur n’a pas dissuadé les investisseurs qui sont plutôt sensibles à la situation de stagnation économique et à l’absence de vision économique. Le gouverneur a évoqué les efforts déployés pour préserver la stabilité du cours du dinar durant les quatre dernières années.
L’indépendance de la BCT, faux problème?
S’agissant de l’indépendance de la Banque centrale, il a affirmé qu’il s’agit d’un faux problème, assurant que la BCT coordonne quotidiennement et étroitement avec le ministère des Finances sur toutes les questions financières.
Il a indiqué que la décision de prêter directement à l’Etat dépend de l’approbation du conseil d’administration, du comité de la politique monétaire et du comité de refinancement de la BCT.
Il a rappelé que l’interdiction du financement direct de l’Etat par la BCT n’est pas nouvelle et n’a pas été instaurée par la loi n° 2016-35 du 25 avril 2016, portant fixation du statut de la Banque centrale. Mais qu’elle remonte à 2006 avec la loi n° 2006-26 du 15 mai 2006, modifiant et complétant la loi n° 58-90 du 19 septembre 1958, portant création et organisation de la BCT. «Même avant 2006, le recours au financement direct de l’Etat par la Banque centrale était conjoncturel et limité en temps et en volume», a-t-il aussi rappelé.
Avec TAP