En pointant du doigt le rôle qu’auraient joué « les mouvements sionistes » et « des parties de l’intérieur du pays » dans l’évasion, mardi 31 octobre, de cinq dangereux terroristes de la prison de la Mornaguia, le chef de l’Etat semble soupçonner l’implication de services étrangers dans leur exfiltration de l’institution carcérale la mieux sécurisée de la Tunisie.
Et si le président de la République, Kaïs Saïed avait raison de répéter que le ver est dans le fruit et qu’il est par conséquent impératif d’assainir l’administration des intrus qui l’ont infiltrée depuis le 11 janvier 2011?
Car, sans entrer dans les détails de l’enquête en cours sur le modus operandi de cette spectaculaire opération, comment expliquer que cinq dangereux terroristes, dont les mains sont tâchées de sang, et qui sont logés dans des geôles de haute sécurité, ont pu échapper à la vigilance des gardiens et des caméras de surveillance du pénitencier le plus sécurisé du pays, s’il n’y avait pas collusion intérieure et connivence avec l’extérieur?
Pas de fuite, mais une exfiltration
En attendant qu’une source officielle éclaire nos lanternes sur les tenants et aboutissants de cette rocambolesque évasion qui a ravivé dans notre mémoire collective les tristes souvenirs du terrorisme qui a ensanglanté notre pays durant la décennie noire de la Troïka, le chef de l’Etat a confirmé ce qui parait désormais comme un fait établi. A savoir que « ce qui s’est passé mardi 31 octobre à la prison de Mornaguia est une exfiltration et non une fuite ».
A l’occasion, il a raillé la vidéo virale ayant circulé sur la Toile montrant des barreaux sciés et une ridicule corde qui pendait du mirador de la prison de la Mornaguia. « Les photos publiées n’ont, absolument, rien à voir avec la réalité; l’objectif de ces photos est de détourner le cours de l’enquête », assurait le président de la République.
« Il ne s’agit pas d’une évasion, on les a fait fuir. Les photos qui ont été diffusées n’ont aucun fondement et n’auraient jamais dû circuler. Le but derrière la diffusion de ces images a été de brouiller les investigations. Toutes les preuves montrent que cette opération a été préparée depuis des mois ». C’est ce qu’a déclaré le Président, lors d’une rencontre tenue, mardi 31 octobre, au palais de Carthage avec le ministre de l’Intérieur, Kamel Fekih. Tout en rappelant à l’occasion que le pays avait connu, auparavant, des opérations de fuite, à l’instar de « l’exfiltration » de l’ancien ministre, Ahmed Ben Salah, au printemps de 1973. Ou encore l’évasion de l’ex-Premier ministre, Mohamed Mzali, par les frontières algériennes, en septembre 1986.
Failles sécuritaires
Pointant du doigt les évidentes failles sécuritaires ayant facilité la cavale des fugitifs, le maître des lieux a martelé, furieux : « Ce qui est arrivé hier est inacceptable à tous les égards. Il y a eu des défaillances de la part d’un ensemble de personnes ou de structures. Il faut les poursuivre et les condamner ». Sachant qu’entre temps, le ministère de l’Intérieur a décidé de démettre de leurs fonctions le directeur général des services spéciaux et le directeur central des renseignements généraux. Le ministère de la Justice a, de son côté, limogé le directeur de la prison de la Mornaguia.
« Il est temps de passer à la période d’assainissement de l’administration. Ils ont changé de noms et ont infiltré les structures sécuritaires. Ces personnes n’ont pas de place au sein du ministère de l’Intérieur, ni dans aucune structure de l’Etat », assénait encore Kaïs Saïed.
La main de l’étranger
S’adressant à ceux qui « pensent pouvoir porter atteinte à l’Etat, en collaborant avec les mouvements sionistes et des parties de l’intérieur du pays », il affirme que « l’Etat ne peut être atteint et le peuple tunisien ne peut douter. Nous restons inébranlables et nous protégerons l’Etat tunisien ».
A qui le chef de l’Etat fait-il allusion? Selon le contexte où se situe le discours présidentiel, et tenant compte que les cinq terroristes en cavale, impliqués dans des affaires terroristes et condamnés à des peines de réclusion criminelle, sont des figures éminentes au sein de l’organisation Ansar Achariaa, intégrée en 2014 par l’ONU à la liste des organisations et personnes proches d’Al-Qaïda; il est fort probable qu’il soupçonne cette organisation terroriste d’être l’architecte de cette audacieuse opération. Et ce, en intelligence avec les services étrangers, le Mossad pour ne pas le citer, eu égard de la complexité de l’opération et son orchestration quasi militaire. On n’en saura pas plus pour le moment.