Jesko Hentschel, directeur Pays de la Banque mondiale pour le Maghreb et Malte, et Alexandre Arrobbio, représentant-résident de la Banque mondiale en Tunisie, ont organisé une table ronde au bureau de la banque à Tunis.
Cette rencontre a porté sur l’économie tunisienne, plus précisément sur l’impact de la sécheresse et la reprise économique du pays.
Selon un communiqué distribué aux journalistes, « la reprise économique de la Tunisie a ralenti au premier semestre de 2023. Le pays restant aux prises avec une sécheresse persistante, des défis de financement externe, l’accroissement de la dette domestique d’importantes entreprises publiques, et des obstacles réglementaires, selon l’édition automne 2023 du Rapport de suivi de la situation économique de la Tunisie publié par Banque mondiale ».
Certes des développements positifs ont été enregistrés, notamment une amélioration des échanges commerciaux et une reprise du secteur touristique; mais la croissance du PIB de la Tunisie pour l’année 2023 ne devrait pas dépasser 1,2 %, indique le rapport de la Banque mondiale.
Du reste, l’institution de Bretton Woods juge cette reprise de « modérée » comparativement avec les pays voisins de la région et la moitié du taux de croissance enregistrée durant l’année 2022.
Toutefois – et c’est la bonne nouvelle – la banque est très optimiste pour la croissance du PIB du pays pour 2024. Laquelle devrait s’élever à environ 3 %. Mais celle-ci « reste sujette à des risques liés à l’évolution de la sécheresse, des conditions de financement et du rythme des réformes ». Encore elles (les réformes)!
LA BM souligne également que les recettes touristiques ont connu une augmentation de 47 % de janvier à août 2023. Ce qui, combiné aux services de transport, a contribué à hauteur de 0,8 point de pourcentage à la croissance globale du PIB, aidant ainsi à réduire le déficit du compte courant.
Puis, ce fut au tour d’Alexandre Arrobbio, représentant- résident de la Banque mondiale pour la Tunisie, de déclarer : « Malgré les défis persistants, l’économie tunisienne montre une certaine résilience. L’augmentation des exportations du secteur textile, des industries mécaniques et de l’huile d’olive, associée à la croissance des exportations touristiques, ont contribué à atténuer le déficit extérieur ».
Et l’intervenant d’ajouter : « Le renforcement de la concurrence, l’amélioration de l’espace budgétaire et l’adaptation aux changements climatiques sont des mesures essentielles visant à restaurer la croissance économique et à renforcer la résilience face aux futurs chocs économiques et climatiques. »
Les deux parties du rapport
La première partie du rapport de la Banque mondiale se focalise sur les défis économiques en Tunisie, qui fait état d’une sécheresse prolongée dans le secteur agricole qui a entraîné une croissance limitée et une légère augmentation du chômage à 15,6 % au deuxième trimestre 2023, contre 15,3 % un an plus tôt. « En raison de la réduction du déficit commercial, le déficit du compte courant est passé de 7 milliards de dinars tunisiens (4,1 % du PIB) au premier semestre 2022, à 2,7 milliards de dinars tunisiens (1,5 % du PIB) sur la même période de 2023 », indique le rapport.
Nonobstant cette réduction, souligne la BM, la Tunisie continue de rencontrer des difficultés pour sécuriser les financements externes requis, sur fond de calendrier important de remboursement de sa dette extérieure à court terme. Ceci reflète la dette publique élevée, passée de 66,9 % à 79,4 % du PIB entre 2017 et 2022.
Toujours selon cette première partie du rapport, les conditions de financement extérieur de la Tunisie restent serrées, les importations ayant continué d’être comprimées. C’est particulièrement le cas pour les entreprises publiques fortement endettées, qui détiennent le monopole de l’importation et de la distribution de certains produits, dit le rapport. « Le système de contrôle des prix qui régit les principaux marchés de produits de base est un facteur clé de l’endettement croissant des entreprises d’Etat ainsi que des pénuries qui en découle. Par ailleurs, l’inflation a ralenti, avec une inflation des prix sur un an passant de 10,4 % en février 2023 à 9 % en septembre 2023 », expliquent les experts de la Banque mondiale.
Qu’en est-il de la migration?
Publié sous le titre “Migration dans un contexte économique complexe“, le rapport analyse le rôle croissant de la migration dans une perspective de développement.
Au cours des dernières décennies, explique la BM, l’émigration est devenue vitale pour les Tunisiens confrontés à des difficultés économiques. En contrepartie de l’augmentation de l’émigration, les transferts de fonds des Tunisiens résidents à l’étranger ont augmenté, pour s’établir à 6,6 % du PIB en 2021‑2022, en plus du précieux transfert de compétences et de capitaux. A l’inverse, l’immigration étrangère en Tunisie demeure minimale, soit environ 0,5 % de la population.
En effet, « au cours de la dernière année, la Tunisie a connu une augmentation significative de son rôle en tant que point de transit pour la migration irrégulière en Méditerranée centrale, avec 73 829 arrivées irrégulières en Italie depuis la Tunisie au durant les huit premiers mois de 2023 ».
Et le rapport de la BM ne s’arrête pas à ce constat. « Afin de tirer le meilleur parti à long terme de la migration, la Tunisie pourrait se focaliser sur l’harmonisation des compétences des émigrants avec les besoins des pays de destination, la reconnaissance des qualifications et la promotion du statut de migrant régulier ».
Le rapport suggère enfin que « l’extension des initiatives de mobilité et l’ajustement des accords de travail pourraient renforcer encore davantage les bénéfices économiques de la migration; tout en préservant le bien‑être et les droits des immigrés ».