L’utilisation croissante des monnaies nationales par les pays des BRICS est susceptible d’accélérer la dédollarisation. C’est ce qu’estime l’économiste Joe Sullivan, ancien conseiller spécial au Conseil des conseillers économiques de la Maison Blanche.
Le dollar américain est confronté à un défi croissant de la part des pays des BRICS. Et ce, en raison de l’expansion prévue du bloc et des efforts visant à stimuler l’utilisation des monnaies nationales dans les échanges commerciaux entre les membres, selon Joe Sullivan.
Dans un article du magazine Foreign Policy publié ce week-end, M. Sullivan suggère que les BRICS sont susceptibles de priver le dollar de son hégémonie sur le commerce mondial, même s’ils n’ont pas de monnaie unique.
Ainsi, les BRICS comprennent actuellement le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Mais les rejoindront l’Argentine, l’Egypte, l’Ethiopie, l’Iran, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, en janvier prochain. Selon les estimations, le groupe élargi, que Sullivan appelle BRICS+, représentera près de la moitié du PIB mondial d’ici 2040.
« Les BRICS+ pourraient faire passer la gouvernance économique des pays du Sud du 20ème au 21ème siècle […] Au 21ème siècle, les blocs économiques non occidentaux, tels que les BRICS+, peuvent gagner en influence sur l’Occident […] Les embargos pétroliers du 20ème siècle peuvent sembler dépassés, voire chétifs, par rapport aux actions commerciales et financières du 21ème siècle que les BRICS+ pourraient théoriquement désormais gérer », a déclaré M. Sullivan.
En outre, il note que trois des membres fondateurs du bloc – le Brésil, la Chine et la Russie – sont d’importants exportateurs de métaux précieux et de terres rares. L’ajout de l’Egypte, de l’Ethiopie et de l’Arabie saoudite – les trois pays qui entourent le canal de Suez, une artère commerciale clé – donnera au bloc une influence de plus de 12 % sur le commerce mondial.
De même, l’Arabie saoudite, l’Iran et les Emirats arabes unis, qui sont d’importants exportateurs de combustibles fossiles, donneront au groupe un plus grand poids sur les marchés des matières premières. De plus, l’Arabie Saoudite possède plus de 100 milliards de dollars de bons du Trésor américain. Ce qui « élargit le levier économique dont disposent les BRICS+ dans les avoirs financiers », poursuit Joe Sullivan.
Le rôle du dollar dans l’économie mondiale va diminuer
Dans le même temps, les pays des BRICS encouragent activement l’utilisation des monnaies nationales dans les échanges mutuels et ont même signalé la possibilité d’introduire une nouvelle monnaie commerciale unique lors d’un sommet en août prochain. Même si une telle monnaie est encore en chantier, M. Sullivan a affirmé que les BRICS+ ont le pouvoir de renverser la domination du dollar américain, même sans elle.
« Les pays BRICS+ n’ont pas besoin d’attendre une monnaie commerciale commune, avant de lancer leur boulet de démolition économique nouvellement élargi sur le dollar. Ils n’ont même pas nécessairement besoin d’avoir une monnaie commerciale commune pour grignoter le domaine du Roi Dollar. S’ils exigeaient que vous payiez chaque membre dans sa propre monnaie nationale afin de pouvoir commercer avec l’un d’entre eux, le rôle du dollar dans l’économie mondiale diminuerait », a encore déclaré Sullivan.
L’économiste note aussi que « le monde en général est bien plus mûr pour la dédollarisation maintenant qu’il ne l’était il y a six mois ». Et ce, en raison de « changements tectoniques » dans l’économie chinoise et à Washington. Ainsi, M. Sullivan estime que le récent ralentissement de la croissance économique de la Chine « signifie un BRICS plus équilibré », qui « sert plus vraisemblablement les intérêts communs, que ceux d’une Chine dominatrice ». Dans le même temps, il relève également qu’il existe un scepticisme croissant quant à la mesure dans laquelle l’hégémonie du dollar correspond aux intérêts nationaux américains à Washington même.
« Les rumeurs sur la mort du dollar en tant que réserve mondiale ont peut-être été exagérées à l’approche du sommet d’août [des pays des BRICS à Johannesburg]. Cette fois-ci, cependant, les rumeurs sur sa mort ne sont peut-être pas exagérées », conclut Joe Sullivan.