En 1977, l’Assemblée générale des Nations-Unies a créé un « jour international de solidarité avec le peuple palestinien », fixé à la date du 29 novembre. Cette reconnaissance internationale est une victoire symbolique et historique non négligeable. Le nouvel épisode sanglant dans le conflit israélo-palestinien met en lumière la résilience d’un peuple palestinien longtemps ignoré. Celui-ci s’est progressivement affirmé face aux divisions intra-arabes et au déclin du panarabisme. Le mouvement national palestinien s’est replié sur sa principale ressource : son peuple. Fort d’une identité propre, ces derniers sont dispersés et fragmentés. Cependant, les Palestiniens n’existent pas moins en tant que peuple et méritent ainsi de constituer leur propre Etat.
L’affirmation d’un peuple palestinien avec une identité nationale propre n’allait pas de soi. Son existence a été ignorée par certains régimes arabes (jordaniens et syriens en particulier) et continue d’être contestée par nombre de sionistes (juifs ou non, israéliens ou non) qui assimilent les Palestiniens aux autres Arabes (jordaniens) de la région. Ce déni a toujours été une manière d’exclure la revendication d’un État-nation palestinien.
La reconnaissance internationale du peuple palestinien
Si la linguistique a forgé le mot Palestiniens à partir de Pelesets (en référence aux Philistins), il est plus logique de voir dans les Cananéens les ancêtres lointains des populations « palestiniennes ». Le terme de « Palestiniens » désignait communément tous les habitants de la Palestine sous mandat britannique, quelles que soient leurs origines ethniques ou religieuses.
Dès le VIIe siècle, la majorité de la population de cette région, comme dans tout le Proche-Orient, se convertit à l’islam. Il subsistera néanmoins, et ce de manière continue, des minorités significatives de chrétiens et de juifs. Avec l’affirmation des revendications nationalistes des Arabes de Palestine et la création de l’Etat d’Israël en 1948, seuls les Arabes (musulmans ou chrétiens) revendiquent une identité palestinienne propre, qui s’est affirmée progressivement au cours du XXe siècle sur la base d’une conscience collective et d’une histoire commune. Produit de l’histoire, les Palestiniens sont un peuple arabophone, multiconfessionnel et pluriethnique, bref un peuple à l’identité plurielle.
La population palestinienne est largement arabo-musulmane et sunnite. Elle se compose d’une importante minorité chrétienne (orthodoxes grecs ou arméniens, catholiques latins, grecs, protestants luthériens ou anglicans et autres rites orientaux) concentrée essentiellement à Jérusalem et Nazareth. En outre, notons la présence de communautés de Bédouins dans la vallée de Jéricho et dans le Néguev (ces derniers ont la citoyenneté israélienne), ainsi que celle d’une petite communauté de Juifs karaïtes qui se considèrent comme Palestiniens.
Du point de vue juridique et géographique, il est possible de distinguer diverses catégories de Palestiniens : ceux qui habitent les territoires autonomes ou partiellement occupés de Cisjordanie et de Jérusalem-Est (2,6 millions d’habitants) et à Gaza (2,2 millions); ceux établis en Israël, des Arabes de nationalité israélienne qui pâtissent d’un statut délibérément discriminatoire; ceux issus de l’une des vagues d’expulsion et d’exode (après les guerres israélo-arabes de 1948 et de 1967) et qui se sont installés dans des camps à Gaza ou – pour la plupart – dans l’un des pays arabes voisins (Jordanie, Syrie, Liban et Egypte) et pris en charge par l’UNRWA. Ces réfugiés se différencient de la diaspora palestinienne au sens strict – exilés politiques et immigration économique plus classique – installée dans le Golfe ou au-delà des frontières du monde arabe (en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, essentiellement). Ces derniers continuent à entretenir un lien fort, matériel et immatériel, avec les territoires palestiniens.
Un peuple de réfugiés
Le peuple palestinien est en partie un peuple de réfugiés et d’exilés. Avant même la défaite des armées arabes et la proclamation officielle de l’Etat d’Israël, le déplacement et l’expulsion des Palestiniens sont largement entamés; mais la « Nakba » est le principal exode palestinien (750 000 personnes). Depuis 1948, le « droit au retour » est une pierre angulaire du mouvement national palestinien. Ce droit est exclu par Israël, qui en fait une question existentielle : compte tenu de la fragilité des équilibres démographiques, le retour des réfugiés en Israël risquerait selon les sionistes de détruire l’identité juive d’Israël. Pourtant, ce dernier avait admis, lors de la Conférence de paix de Lausanne en 1949, le contenu de la résolution 194. Israël justifie son reniement par le fait d’avoir été contraint d’accepter ce texte en échange de son admission à l’ONU.
Avec la présence physique de réfugiés palestiniens dans les pays arabes voisins, la question palestinienne revêt pour les régimes concernés une dimension politique et sociale aigue. Du reste, les réfugiés ne jouissent pas du même statut ou traitement juridique, politique et social dans ces différents pays arabes. Si en Jordanie, la majeure partie des réfugiés palestiniens a obtenu la nationalité du royaume, la Syrie et le Liban leur refusent ce droit comme l’ensemble des droits politiques. Les réfugiés du Liban pâtissent du statut civil le plus discriminant (exclusion du droit de propriété et du droit d’accès à certaines professions) et des conditions de vie les plus difficiles dans des camps souvent insalubres.
Qu’ils se trouvent en Cisjordanie, à Gaza, dans les camps de réfugiés des pays arabes voisins ou ailleurs dans le monde, les Palestiniens ont le fort sentiment d’appartenir à un même peuple. Son autodétermination et la création d’un Etat palestinien viable, demeurent confrontées à une triple atomisation : au sein même de la « Palestine mandataire », les Palestiniens sont disséminés dans un espace discontinu, fragmenté et régi par des forces politiques antagonistes.