« En tant que pays d’émigration, la Tunisie pourrait étendre les programmes de mobilité bilatéraux et régionaux. Et ce, afin de faciliter l’émigration régulière et maximiser les gains dans le pays d’origine et dans le pays de destination ». C’est ce qui ressort du bulletin de conjoncture économique sur la Tunisie, intitulé « Migration dans un contexte économique complexe», publié lundi, par la Banque Mondiale (BM).
Partant du constat que « l’émigration devient une stratégie de plus en plus importante pour les Tunisiens face à la situation économique et sociale difficile du pays », le document, élaboré par une équipe dirigée par les experts Maxmiliano Cali et Mohamed Habib Zitouna, souligne la nécessité de permettre aux candidats à l’émigration d’accéder à des voies de migration légales. Afin d’assurer des garanties juridiques et une protection contre les abus, ainsi que l’accès à une gamme de services dans les pays de destination.
Pour ce faire, « la Tunisie pourrait envisager d’adapter les accords de travail avec les pays d’accueil confrontés à des pénuries de main-d’œuvre ou à une augmentation de la demande de main-d’œuvre. A l’instar du programme de partenariat de compétences pour la mobilité des infirmières qui a été mis en place entre l’Allemagne et la Tunisie depuis 2013 », précise la BM.
Et de rappeler que le programme bilatéral le plus important et le plus ancien en Tunisie, est l’accord tuniso-français, signé en 2008. Lequel prévoit environ 9 000 places chaque année pour les travailleurs ayant des compétences et des qualifications qui ne sont pas satisfaites sur le marché du travail français.
« Le nombre estimé, par l’Office des Tunisiens à l’étranger (OTE), de Tunisiens résidant à l’étranger en 2022, est le double de celui de l’ONU (1,8 million) », relève encore l’institution financière internationale.
Selon l’OCDE, la Tunisie compte parmi les pays arabes les plus touchés par le fléau de la fuite des cerveaux après la Syrie. Entre 2015 et 2020, environ 3 300 médecins et plus de 39 500 ingénieurs ont quitté le pays
Selon l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, avec plus de 54 000 arrivées, les Tunisiens représentent la principale nationalité de migrants irréguliers ayant atteint l’Italie via la route de la Méditerranée centrale entre janvier 2019 et juin 2023.
Sur un autre registre, la BM a indiqué dans son document, que les émigrés tunisiens partagent une partie de leurs gains avec leurs familles et leurs communautés en Tunisie, par le biais de transferts de fonds, précisant que les envois de fonds ont constitué le principal flux financier vers la Tunisie, atteignant 6,6 % du PIB en 2021-22. Soit plusieurs fois plus que les investissements directs étrangers (IDE) et l’aide publique au développement. Certains des migrants sont revenus en Tunisie, ramenant des compétences et des capitaux à investir, en particulier parmi les personnes hautement qualifiées.
Pour ce qui est de l’entrée de migrants en Tunisie, la Banque Mondiale considère qu’ « à moyen et long termes, il sera de plus en plus important d’attirer des migrants en Tunisie, compte tenu de la transition démographique en cours ». Et même d’accroître les avantages économiques qui leur sont offerts notamment, « des privilèges de résidence comparables à ceux des ressortissants nationaux ».
Et d’évoquer l’exemple de certains pays « à forts revenus » à l’instar de l’Autriche, l’Allemagne ou les Émirats arabes unis qui ont établi des « visas de recherche d’emploi ».
Pour rappel, la Tunisie est confrontée depuis plusieurs mois à un flux de migrants qu’elle a du mal à maîtriser. Elle subit en même temps des pressions, notamment de la part des pays de l’Union européenne, pour prendre en charge les migrants subsahariens. En juillet 2023, l’Union européenne et la Tunisie ont conclu à Tunis, un « partenariat stratégique sur la lutte contre l’immigration irrégulière » et le soutien de la Tunisie face « à de graves difficultés économiques ».
Enfin, selon le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux (FTDES), le nombre de migrants subsahariens dans le pays s’est multiplié entre 2004 et 2018. Ainsi, quelque 79 % des personnes interrogées dans le cadre d’une étude quantitative réalisée en 2019 par ce forum auprès de migrants subsahariens résidant en Tunisie, ont déclaré être arrivées dans le pays après la révolution, plus précisément entre 2014 et 2018.
Avec TAP