Nous venons d’apprendre que les quatre terroristes en fuite qui s’étaient réfugiés dans la montagne de Boukornine, près de Hammam-Lif, ont été capturés ce mardi 7 novembre 2023, vers 5 heures du matin. « Ils sont tous en vie », affirme le ministère de l’Intérieur dans un communiqué. Un grand bravo aux différents corps sécuritaires (police, garde nationale et armée) qui ont réussi à neutraliser ces dangereux terroristes, en cavale depuis le 31 octobre.
Loin de nous l’intention d’interférer dans une enquête en cours, oh combien sensible, car elle touche intimement la sécurité nationale de notre pays. Mais force est de constater que le silence qui entoure l’évasion de cinq dangereux terroristes – incarcérés dans des cellules d’isolement dans un quartier de haute sécurité dans l’enceinte de l’institution carcérale la plus sécurisée de la Tunisie – pose problème et suscite une profonde inquiétude et des interrogations tout à fait légitimes. Et pour cause.
D’autant plus que le black-out total qui enveloppe cette spectaculaire opération nourrit les rumeurs les plus fantasques. Puisqu’à défaut de source officielle, les médias se rabattent sur les informations non vérifiables véhiculées par les réseaux sociaux. Nous passons de ce fait de feuilletons hollywoodiens à des films de série B.
Braquage en plein jour
Deux exemples burlesques pour étayer les faits. Tout d’abord, comment croire que deux jours à peine après leur escapade, deux des fugitifs avaient en plein jour, au milieu de la foule, dans une rue commerçante, dévalisé une agence bancaire à Boumhel, pour la « modique » somme de 20 mille dinars? La direction générale de la Garde nationale se contentant d’un communiqué publié quelques heures après l’opération. Et ce, pour révéler que l’identité des « auteurs présumés » est bien celle des deux terroristes, sans toutefois révéler leur nom. Bizarre.
Pour sa part, le procureur près le Tribunal de première instance de Ben Arous, Omar Yahiaoui, révélait à l’agence TAP qu’un groupe de personnes avaient pris d’assaut une banque. Il y avaient saisi une somme d’argent après avoir menacé les employés de l’établissement avec des armes blanches, des épées en l’occurrence. Le fait que les malfaiteurs aient utilisé des épées, armes fétiches des terroristes en Tunisie, est un indice; mais pas une preuve formelle qu’il s’agisse des fugitifs en cavale.
« Deux éléments terroristes qui se sont évadés de la prison civile de Mornaguia seraient impliqués dans ce braquage »C’est ce qui ressortait ensuite de la confirmation de la sous-direction de la lutte contre la criminalité chargée d’enquêter sur les circonstances de cette affaire. Le conditionnel employé est à relever.
D’ailleurs, ces derniers avaient-ils besoin de s’exposer ainsi; alors que, selon l’aveu même du président de la République, les cinq terroristes ont pu s’échapper grâce à une complicité intérieure et la connivence avec l’extérieur? En d’autres termes, ils ont sans aucun doute possible bénéficié d’une logistique sophistiquée que seuls des services étrangers, en l’occurrence le Mossad, sont en mesure de maîtriser. Alors pourquoi braquer une banque?
Le Somalien filmé en direct
Et que dire de cette arrestation miraculeuse, dimanche 5 novembre, filmée en direct de l’un des terroristes les plus cherchés en Tunisie. Nous parlons d’Ahmed Melki, alias le Somalien – l’une des éminentes figures d’Ansar Acharia, condamné en 2017 à 24 ans de prison, dans le cadre des événements de Raoued – par des citoyens lambda, dans un quartier populaire d’Al Entilaka non loin d’Ettadhamen. Sachant que cette arrestation n’est toujours pas officiellement confirmée. Pour ne pas compromettre les efforts déployés pour capturer les autres évadés? Des interrogations, mais peu de réponses.
Ennahdha s’en mêle
Relevons enfin que le porte-parole du mouvement islamiste d’Ennahdha, Imed Khemiri, a fait savoir, lundi 6 novembre 2023, que le parti a « la ferme intention » de lancer des poursuites judiciaires contre les personnes qui propagent des rumeurs selon lesquelles Montplaisir serait impliqué dans l’évasion spectaculaire des cinq terroristes de la prison de la Mornaguia. « Des parties ont tenté, comme à l’accoutumée, de faire diversion en s’en prenant à Ennahdha. Nous allons porter plainte contre ceux qui ont émis ces accusations mensongères. Nous rappelons aux citoyens tunisiens que les terroristes, les cinq qui se sont évadés et d’autres, ont été arrêtés et incarcérés du temps des gouvernements présidés par Ennahdha ou auxquels elle a participé. Nous invitons le pouvoir à assumer ses responsabilités et à éclairer l’opinion publique sur les circonstances de l’évasion des terroristes ».
Qui a évoqué ce scénario? Et pourquoi le parti de Ghannouchi, ou ce qui en reste, s’est-il fendu de cet étrange communiqué pour se justifier? A moins que…